Sibelius danois

Les sibéliens chevronnés le savent bien : Thomas Jensen, qui aura appris son Sibelius en interprétant les œuvres du compositeur du Cygne de Tuonela, violoncelliste de rang dans divers orchestres sous la direction du compositeur, a laissé un enregistrement immaculé des Quatre Légendes gravé pour Decca en juillet 1953 avec son Orchestre Symphonique de la Radio Danoise, un peu moins de quatre ans avant sa mort prématurée. Pureté des lignes, profondeur des timbres, sens du récit poétique, cet indispensable de la discographie sibélienne conclut, dans un beau repiquage, le double album qui ouvre la série que Danacord entend consacrer à cet acteur majeur du renouveau de la formation radiophonique danoise.

Au début des années cinquante, cette phalange avait connu un âge d’or, Fritz Busch en exil en avait fait un de ses orchestres favoris, Thomas Jensen partageant avec lui des saisons restées miraculeuses. A Fritz Busch, le grand répertoire germanique, à Jensen les Modernes, qu’en bon élève de Carl Nielsen, il dirigeait avec un sens aigu des rythmes et des couleurs.

Sibelius fut au centre de ses dernières années d’activité, au disque comme le rappellent ses disques Decca (on savourera également ici la lecture plus nostalgique que brillante de la Suite Karelia), ou encore un épique Concerto pour violon mené dans un climat de légende par l’archet-barde d’Emil Telmányi, célèbre gravure pour le label national Tono, mais aussi au concert comme le montrent deux symphonies absentes jusque là de sa discographie.

La 2e, jamais grandiloquente, fait entendre toute la singularité harmonique de l’écriture sibélienne, lecture verticale où l’orchestre semble creusé par un inextinguible maelström : plus l’once d’une influence tchaïkosvkienne mais l’affirmation déjà totale d’un langage singulier que la stupéfiante Septième Symphonie, captée une année plus tard radicalisera dans une lecture droite, roide, granitique, ajout majeur à la discographie d’une partition rarement aussi finement comprise.

L’éditeur dévoile déjà le contenu du second volume, vrai florilège moderniste : 2e Concerto pour violon de Bartók avec Henryk Szeryng, 5e Symphonie de Chostakovitch, Concerto pour piano de Stravinski, 5e Symphonie d’Honegger, sélection probablement éclairante, mais Jesper Buhl ne devrait pas laisser de côté pour un troisième volume les si lyriques 6e Symphonie de Sibelius conservées par les archives des différentes radios nordiques.

LE DISQUE DU JOUR

Thomas Jensen Legacy
Volume 1

Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 43
Symphonie No. 7 en ut majeur, Op. 105
Karelia Suite, Op. 11
Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Op. 47
4 Légendes du Kalevala, Op. 22

Emil Telmányi, violon
Orchestre Symphonique de la Radio Danoise
Thomas Jensen, direction

Un album de 2 CD du label Danacord Records 911
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Photo à la une : Sibelius en Suède le 20 mars 1924 – Photo : © DR