Portrait de femme

La belle idée, réunir sous les plumes si diverses et si éloignées dans le temps, de Sébastien Le Camus à Jean-Baptiste Weckerlin, les mises en musiques des poèmes d’Henriette de Coligny au long de deux siècles. Mine de rien, ce voyage dans le temps permet à Marc Mauillon et ses amis de dresser un portrait vivant de l’évolution de la monodie, des airs pour la cour ou les salons à la mélodie romantique, en même temps que s’incarne la poésie si touchante et si juste de la Comtesse de La Suze.

L’entreprise est menée avec art, elle aura paru trop tard pour que Thierry Bardon, cheville ouvrière de ce beau projet, ait pu le voir et l’entendre. Est-ce aussi pour cela que le chant si sensible de Marc Mauillon se fait souvent si émouvant ? Il est, le plus clair de ces deux disques, seul devant ces poèmes qui auront tant inspiré les maîtres des airs de cours au long des XVIIe et XVIIIe siècles, Céline Scheen et Antonin Rondepierre le rejoignant parfois pour quelques rares poèmes à plusieurs voix, trouvant la veine lyrique si particulière que la Comtesse aura inspirée aussi bien à Sébastien Le Camus qu’à Michel Lambert auquel elle aura dicté ce chef-d’œuvre d’émotion qu’est Laissez moi soupirer, importune raison qui ouvre le deuxième disque.

Les découvertes abondent, paysagées par quelques pièces instrumentales dont l’élégante Suite en la mineur de Dufaut dont s’empare la harpe triple d’Angélique Mauillon. Merveille, un quasi petit air d’opéra, la mise en musique de Laissez durer la nuit par Jean-Benjamin de La Borde, proche de Marie-Antoinette et compositeur fécond d’opéras et d’opéras comiques, donne envie d’en savoir plus sur cet homme de cour monté à l’échafaud en 1794, victime de la Terreur, brillant lettré dont Jean-François Parot aura fait un des personnages récurrents de ses romans.

Prolongez les plaisirs de cet attachant double album et retrouvez Marc Mauillon au sein des Arts Florissants pour le troisième volume de la série dédiée au genre de l’air de cour : William Christie et ses amis herborisent dans les trente-sept Livres édités par Ballard, airs sérieux ou à boire majoritairement pris dans le Grand Siècle, avec même un Moulinié en italien qui vient soudain ébrouer son soleil.

Merveille, l’air de Boesset qui nome l’album, « N’espérez plus mes yeux », où Emmanuelle de Negri est fabuleuse de nostalgie, mais tous seraient à citer, jusqu’au luth si suggestif de Thomas Dunford.

J’espère bien que la collection connaîtra de nombreux futurs volumes dans cette belle prononciation historiquement informée et qui ajoute également son sel au long de l’album de Marc Mauillon.

LE DISQUE DU JOUR

Je m’abandonne à vous
Airs et chansons sur des poésies d’Henriette de Coligny, Comtesse de la Suze (1623-1673)

Sébastien Le Camus
(ca. 1610-1677)
Je m’abandonne à vous, amoureux souvenir
Ah ! fuyons ce dangereux séjour
Délices des étés, frais et sombres bocages
Bois écartés, demeures sombres
Laissez durer la nuit, impatiente Aurore
Vous ne m’attirez point par vos attraits charmants
Ah ! qui peut tranquillement attendre
Il n’est rien dans la vie
Doux printemps
Je sens au cœur un nouveau trouble
Un berger plus beau que le jour
Forêts solitaires et sombres
François Campion (ca. 1685/86-1747/48)
J’ai juré mille fois de ne jamais aimer
Qu’il est propre à se faire aimer
François Dufaut (ca. 1604-1680?)
Suite pour luth en la mineur
Sieur de Machy (16..-1692)
Prélude pour viole
Gavotte pour viole, extrait des « Pieces de Violle, Paris, Bonneuil, 1685 »
Bertrand de Bacilly (1621-1690/96)
Qu’il est propre à se faire aimer
Je fuyais sous ces verts ombrages
J’ai voulu suivre une autre Loi
Dans ce bocage, où brille une jeune verdure
Savourons à longs traits cet excellent Muscat
Étoiles d’une nuit plus belle que le jour
Michel Lambert (1610-1696)
J’ai juré mille fois de ne jamais aimer
Laisse-moi soupirer, importune raison
J’aime, je suis aimé
Marin Marais (1656-1728)
Prélude en sol, extrait des « Pièces à une et à deux violes, 1686 »
Henry du Mont (1610-1684)
Laisse-moi soupirer, importune raison
Monsieur Royer (1610-1684)
Étoiles d’une nuit plus belle que le jour
Monsieur de Sainte-Colombe (ca. 1640-ca. 1701)
Chaconne en ré, extrait du « Manuscrit de Tournus »
Honoré D’Ambrius (fl. 1660-1685)
Le doux silence de nos bois
Sous ces ombrages verts (attr. douteuse, possiblement de Robert Cambert)
Jean-Benjamin de La Borde (1734-1794)
Laissez durer la nuit, impatiente Aurore
Jean-Baptiste Weckerlin (1821-1910)
Sans amour et sans tendresse (Conseil d’aimer)
Anonymes
Sans amour et sans tendresse
Vous ne m’attirez point par vos attraits charmants

Marc Mauillon, basse-taille
Angélique Mauillon, harpe triple
Myriam Rignol, viole de gambe
Céline Scheen, dessus
Antonin Rondepierre, taille
Alice Piérot, violon

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 902674/75
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N’espérez plus mes yeux…
Airs sérieux et à boire, Vol. 3

Claude Le Jeune
(ca. 1530-1600)
Allons, allons gay gayment
Rendés-la moy cruelle
Rossignol mon mignon
Suzanne un jour
Étienne Moulinié (1599-1676)
Dialogue de la Nuit et du Soleil
O che gioia ne sento mio bene
Ô doux sommeil
Dans le lit de la mort
Souffrez, beaux yeux pleins de charmes
Pierre Guédron (ca. 1565–1620)
Bien qu’un cruel martire
Belle qui m’avez blessé
Quel espoir de guarir
Aux plaisirs, aux délices bergères
Lorsque j’étais petite garce
Que dit-on au village ?
Cessés mortels de soupirer
Antoine Boesset (ca. 1565–1620)
N’espérez plus, mes yeux (Air avec doubles)
Pierre Verdier (ca. 1627-ca. 1706)
Lamento (de la Collection Düben, à l’Université d’Uppsala)
Anonyme
Symphonie (extraite de « Pièces pour le violon à 4 parties de différents autheurs, Robert Ballard, 1665 »)
Suite instrumentale (Manuscrit de Cassel)
Prélude pour l’Allemande cromatique & Allemande cromatique (extrait de « Pièces pour le violon à 4 parties de différents autheurs, Robert Ballard, 1665 »)
Libertas & Sarabande italienne (Manuscrit de Cassel)

Les Arts Florissants
William Christie, direction

Un album du label harmonia mundi HAF8905318
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Photo à la une : © DR