Les curieux iront incrédules entendre Im Abendrot, ultime des Quatre derniers Lieder par quoi Matthias Goerne referme cet album postromantique. D’autres se seront immergés dans les Wesendonk Lieder où le piano empli de rêves troubles de Seong-Jin Cho fait mieux qu’un orchestre, des paysages. Tout ce que le timbre si masculin du baryton s’autorise à voler aux femmes, il le métamorphose dans sa sombre lyrique, rien ne se refuse à sa sensibilité qui sait mettre de la lumière dans le plus profond abîme.

Moi, j’ai couru aux huit Pfitzner, ce génie de la mélodie postromantique si peu célébré de nos jours. Fischer-Dieskau aura bien tenté de le rédimer comme il le fit aussi pour Otmar Schoeck, mais les mélodies si littéraires de l’auteur de Palestrina sont écrites pour un public lettré, savant, en fait pour celui qui goûte les Lieder de Wolf.

Goerne , de son vaste instrument, de sa voix si longue m’entraîne dans la nuit venant d’Es glänzt so schön die sinkende Sonne, merveille cherchant dans les sons l’extinction de la lumière. Il n’aura pris chez Eichendorff, inspirateur majeur de Pfitzner que le voyage métaphysique de Nachts, qu’il ose demain, lui qui le peut, un plein album Eichendorff–Pfitzner !

Les Strauss ne sont pas plus attendus, qu’il vole aux femmes ou aux ténors, gourmandises d’une voix ogre qui voudrait tout embrasser des univers du lied : pour cela aussi, je le vénère.

LE DISQUE DU JOUR

Im Abendrot

Richard Wagner (1813-1883)
Wesendonck Lieder, WWV 91
Hans Pfitzner (1869-1949)
Sehnsucht (No. 1, extrait des « 3 Lieder, Op. 10 »)
Wasserfahrt (No. 6, extrait des « 6 Lieder, Op. 6 »)
Es glänzt so schön die sinkende Sonne (No. 1, extrait des « 4 Lieder, Op. 4 »)
Ist der Himmer darum im Lenz so blau (No. 2, extrait des « 7 Lieder, Op. 2 »)
An die Mark (No. 3, extrait des « 4 Lieder, Op. 15 »)
Abendrot (No. 4, extrait des « 4 Lieder, Op. 24 »)
Nachts (No. 2, extrait des « 5 Lieder, Op. 26 »)
Stimme der Sehnsucht (No. 1, extrait des « 2 Lieder, Op. 19 »)
Richard Strauss (1864-1949)
Traum durch die Dämmerung (No. 1, extrait des « 3 Lieder, Op. 29, TrV 172 »)
4 Lieder, Op. 27, TrV 170 (2 extraits : IV. Morgen!, I. Ruhe, meine Seele!)
Freundliche Vision (No. 1, extrait des « 5 Lieder, Op. 48, TrV 202 »)
Im Abendrot (No. 4, extrait des « Vier letzte Lieder, TrV 296 »)

Matthias Goerne, baryton
Seong-Jin Cho, piano

Un album du label Deutsche Grammophon 4860274
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Photo à la une : le baryton Matthias Goerne et le pianiste Seong-Jin Cho – Photo : © Caroline De Bon/Deutsche Grammophon