Les Forqueray

Refermant le récent album Rameau de Justin Taylor, j’ai repris son premier programme familial où il avait transcrit pour le clavecin la Suite à trois violes d’Antoine Forqueray que son fils Jean-Baptiste n’avait pas osé « réduire » pour le clavier, m’apercevant que je n’en avais rien écrit.

Le génie du père, gambiste prodigieux, trouva dans le génie de son fils, qu’il envoya en prison lorsque l’art de celui-ci sur la viole menaça de lui faire de l’ombre, un prodigieux viatique. Jean-Baptiste savait que son père avait tiré de la viole de gambe les ultimes feux, l’épuisant en fait à force de virtuosité. Il en recueillit l’esprit fantasque en l’ordonnant dans le cadre, moins libre en apparence, du clavecin. Mieux, il y fit perdurer le ton de grande improvisation, le panache capricieux, l’éloquence encore Grand Siècle qui faisaient l’art si altier du père.

De tout cela, Justin Taylor rend compte en virtuose mais tout autant en poète, avec une intensité expressive clouante qui se nuance dans les hommages éloquents que Couperin ou Duphly dressèrent, portraits vivants d’un artiste sulfureux qui les fascina avec raison.

Pas de meilleure introduction à cet art à deux visages qui vous donnera envie d’aller entendre les originaux sous l’archet de Jordi Savall.

LE DISQUE DU JOUR

La Famille Forqueray

Antoine Forqueray (1671-1745)
Prélude non mesuré
Pièces pour trois violes (3 extraits : Allemande, Courante, Sarabande – arrangement pour clavecin seul : Justin Taylor)
Jean-Baptiste Forqueray (1699-1782)
Suite No. 1 en ré mineur
Suite No. 5 en ut mineur
François Couperin (1668-1733)
La superbe, ou La Forqueray (No. 1, extrait du « Troisième Livre de pièces de clavecin, Ordre XVII)
Jacques Duphly (1615-1789)
La Forqueray (No. 4, extrait du « Troisième Livre de pièces de clavecin »)

Justin Taylor, clavecin (clavecin Anthony Sidey, d’après Ruckers-Hemsch, 1636-1763)

Un album du label Alpha Classics 247
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Photo à la une : le claveciniste Justin Taylor – Photo : © Alpha Classics