Perfection

La production de Mario Martone peut prétendre au modèle, qui fait voir tout le drame imaginé par Luigi Illica, des salons de la Contessa di Coigny au tribunal révolutionnaire et à l’échafaud de la guillotine. Spectacle en costumes d’époque, sans hiatus historique, qui double la réalité de cette époque troublée d’une direction d’acteurs fouillant la psyché des personnages en épousant la musique si suggestive d’Umberto Giordano : inutile d’aller voir ailleurs, ni peut-être même d’entendre dans les versions récentes.

Certains voudront y voir Kaufmann, mais l’entendre vraiment, de timbre et de mot si peu italien ? Yusif Eyvazov n’a pas sa silhouette de jeune premier, mais tout russe qu’il est, se régale justement de ce chant de voyelles qui emporte sa grande voix. Miracle, il n’oublie jamais le style et probablement Riccardo Chailly depuis longtemps amoureux de l’ouvrage (il l’a enregistré pour Decca voici quelques lustres, avec Montserrat Caballé et Luciano Pavarotti) l’y aura encouragé.

Avantage, le poète est russe, comme sa muse : la Maddalena di Coigny d’Anna Netrebko communique dans un fluide partagé avec son amant, cela s’entend et se voit. Face à eux, implacable, le Gérard si bien chantant de Luca Salsi retrouve le ton et les couleurs d’un grand baryton Verdi que le rôle exige. Les silhouettes si vivement croquées par les costumes d’Ursula Patzak sont vocalement tout aussi prégnantes, que ce soient la Bersi d’Annalisa Stroppa ou l’Incridibile de Carlo Bosi. Le drame palpite et vit, les passions intimes sont dévorées par l’incendie de l’Histoire, on voit tout cela magnifié par le génie d’Umberto Giordano.

Aussi formidable que soit la soirée en scène, c’est l’orchestre de Riccardo Chailly qui fascine par son exactitude, sa poésie, la diversité qu’il impose d’acte en acte. Oui, son Giordano vient des Puccini qu’il dirige poco a poco, il lui infuse des raffinements inédits et une telle présence ! Ah, demain il nous doit de poursuivre chez Cilea, chez Zandonai : Adriana Lecouvreur, Francesca da Rimini l’appellent, l’implorent.

LE DISQUE DU JOUR

Umberto Giordano
(1867-1948)
Andrea Chénier

Yusif Eyvazov, ténor
(Andrea Chénier)
Anna Netrebko, soprano
(Madeleine de Coigny)
Luca Salsi, baryton
(Charles Gérard)
Annalisa Stroppa,
mezzo-soprano (Bersi)
Mariana Pentcheva,
mezzo-soprano
(La Comtesse de Coigny)

Judit Kutasi, mezzo-soprano (Madelon)
Gabriele Sagona, baryton (Roucher)
Costantino Finucci, baryton-basse (Pierre Fléville)
Carlo Bosi, ténor (Incridibile)
Gianluca Breda, basse (Antoine Fouquier-Tinville)
Francesco Verna, baryton (Mathieu)
Manuele Pierattelli, ténor (L’abbé)
Romano Dal Zovo, basse (Schmidt)
Riccardo Fassi, basse (Le maître de maison/Dumas)

Orchestre et Chœur du Théâtre de la Scala de Milan
Riccardo Chailly, direction
Mario Martone, mise en scène

Un DVD du label C Major Entertainement 757308
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Photo à la une : le chef d’orchestre Riccardo Chailly – Photo : © DR