Ardeur

Une scène expressionniste, voici ce que Philippe Herreweghe et son Collegium font entendre en sculptant les folies virtuoses du troisième madrigal, Tu piangi, o Filli mia, extrait du Sixième Livre.

Parcourant ce disque que j’avais remisé je ne sais trop pourquoi, l’ardeur du discours, l’âpreté des dissonances, les élans torturés des polyphonies et jusqu’à cette étrangeté poétique qui dans les instants d’introspection est la signature du génie de Gesualdo parvenu à son acmé, me saisissent. L’urgence, la variété des affects, la profusion des accents, l’ampleur des nuances me font soudain regretter que Philippe Herreweghe ait si peu employé son art au genre du madrigal, car en entendant ce disque éloquent, je crois le voir sculpter le son avec ses mains de magicien. La pure beauté de son geste n’affadie jamais l’éloquence des textes, c’est atteindre chez Gesualdo la quadrature du cercle, ce à quoi parviennent aussi aujourd’hui Les Arts Florissants au long du beau projet qu’anime Paul Agnew.

Mais la lyrique poétique, le théâtre des sentiments auquel seront parvenus Herreweghe et ses chanteurs, avec le recours poétique du luth de Thomas Dunford vont aussi loin. L’album date de 2015, il serait temps qu’il ait une suite, même si Herreweghe ne fut jamais l’homme des intégrales, les Livres IV et V mériteraient toute son attention, il n’est pas trop tard.

LE DISQUE DU JOUR

Carlo Gesualdo (1566-1613)
O dolce mio tesoro

Madrigali a cinque voci,
Libro 6 (1611)

Collegium Vocale Gent
Thomas Dunford, luth
Philippe Herreweghe, direction

Un album du label Phi LPH024
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Photo à la une : © DR