D’un autre temps

D’où vient cette nostalgie qui emplit la Première des Trois nouvelles Etudes ? On croirait Rachmaninov la jouant. Ce rubato qui induit une émotion sans défaire la ligne, les couleurs assourdies, la noblesse d’une certaine réserve vont au cœur de la syntaxe de Chopin, avec une élégance qui rappelle des pianistes d’un temps disparu, Ginzburg, Feinberg, Neuhaus.

C’est peu dire que ce disque ressuscite une certaine manière de jouer Chopin qu’on avait perdue : écoutez la Troisième Etude, son babil délicieux, écoutez surtout la Berceuse, plus sombre qu’on ne la joue aujourd’hui.

Les Ballades, jouées entre chien-et-loup, hésitant entre le silence et l’épique, sont d’une réalisation pianistique supérieure, et cueillent partout l’émotion, phrasés éloquents plus par la suggestion que par l’affirmation, art de suspendre le temps sans perdre la ligne, le tout dans un piano mat dont l’absence de brio renforce encore le propos d’un pianiste trop rare au disque. Qu’Ad Vitam lui demande toutes les Mazurkas, les Préludes, les Polonaises, les Etudes, il tient là un médium pour nous faire Chopin vivant, comme s’il jouait devant nous.

LE DISQUE DU JOUR

Frédéric Chopin
(1810-1849)
3 Nouvelles Études, B. 130
Prélude en ut dièse mineur,
Op. 45

Ballade No. 1 en sol mineur, Op. 23
Ballade No. 2 en fa majeur,
Op. 38

Ballade No. 3 en la bémol majeur, Op. 47
Ballade No. 4 en fa mineur, Op. 52
Berceuse en ré bémol majeur, Op. 57

Roustem Saïtkoulov, piano

Un album du label Ad Vitam Records AV200815
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Photo à la une : le pianiste Roustem Saïtkoulov – Photo : © DR