Bach chante

Le plus improbable au clavecin : la résonnance. Sitôt le doigt levé, le son s’éteint. L’illusion de le prolonger tient donc de la science harmonique, de l’art du passage entre les notes, et c’est précisément ce legato impossible que Francesco Corti obtient dès le Larghetto du Concerto en ré majeur. C’est qu’il chante, et qu’il orne, faisant pénétrer dans cet opus l’esprit de l’original destiné au violon. Dans un petit orchestre aux phrasés vifs, les Allegros dansent, prodigieusement incarnés, troussant les rythmes, aiguisant les accents, et avec cela soudain des respirations de pur lyrisme où en quelque seconde le clavecin change l’atmosphère.

Sévère, Bach ? Lyrique surtout, écoutez comment Corti et ses amis ouvrent le Concerto No. 5, lui donnant une souplesse que tant n’auront pas voulu y entendre, soulignant la coloration nostalgique du mineur, comme cela parle, appuyant l’émotion du discours sur la forme au lieu de l’y corseter.

Cette liberté dans la rigueur éclaire sous des angles nouveaux ces Concertos si souvent enregistrés : l’élégance du Largo qui suit est stupéfiante, quelle lumière dans ce phrasé, avant un Presto fantasque, une quasi tarentelle où le clavecin bataille avec les pizzicatos des cordes. Les deux autres opus (BWV 1057 et BWV 1044) où les flûtes s’ajoutent retrouvent dans ces lectures solaires l’esprit des Concertos brandebourgeois, leur alacrité, et une profusion des échanges qui en font d’éclatantes fêtes de musique.

Et maintenant vite, les Concertos à plusieurs clavecins !

LE DISQUE DU JOUR


Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Concerto pour clavier et orchestre No. 3 en ré majeur, BWV 1054
Concerto pour clavier et orchestre No. 5 en fa mineur, BWV 1056
Concerto pour clavier, deux flûtes à bec et orchestre No. 6 en fa majeur, BWV 1057
Concerto pour clavier, flûte, violon et orchestre en la mineur, BWV 1044

Francesco Corti, clavecin, direction
il pomo d’oro

Un album du label Pentatone PTC5186889
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Photo à la une : le claveciniste Francesco Corti – Photo : © DR