Son Beethoven

Voici Giovanni Bellucci au milieu du guet et là où précisément Beethoven libère la forme et accapare son discours par le génie. Sonates de fantaisie, sonates descriptives, tout cela, le pianiste italien l’entend, mieux !, le proclame, et parfois avec des volontés de soulignement, une obsession de préciser qui le mène à des extrêmes – le premier mouvement de la Pastorale – où beaucoup ne le suivront pas. Moi oui, car il ose, et qui ose en Beethoven ne saurait avoir tout à fait tort.

Le caractère qu’il donne à la Sonata Quasi una fantasia – écoutez l’Allegro molto e vivace –, la profusion des accents et des couleurs dans la Waldstein, l’épuisement des paysages dans La Tempête sont magnifiés par ses grands moyens, et agaceront d’autant. Mais s’il y a bien des opus dans le corpus des sonates où son art de l’excès peut se justifier, c’est ici, et irrité comme je peux l’être, je me dois d’avouer qu’il a sa vision, et qu’elle est beethovénienne.

Je ne m’attendais pas à céder aussi ma garde devant les Concertos, enregistrés dans le feu du concert, mais tenus dans la gangue de l’orchestre (et même ici d’un orchestre modeste), il est encore plus surprenant, et évidemment irritant dans tout l’espace singulier que lui laisse L’Empereur. Il en profite, un peu trop, mais comment ne pas l’écouter prendre son temps, et interpréter très librement ; après tout, il est bien possible que Liszt voyait son Beethoven ainsi.

Ses idiosyncrasies sont si singulières que même dans les deux premiers Concertos, l’intérêt supplante la gêne, ce qui n’est pas le cas dans un opus aussi achevé que le Quatrième où il aurait dû avoir la sagesse de battre en retrait. Majeur, l’ajout d’autres cadences pour les quatre premiers Concertos réserve des découvertes (celle de Fauré pour l’Allegro con brio du Troisième) et achève de faire de cette intégrale certes un apport singulier dans une discographie surabondante, mais aussi une entreprise utile.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les Sonates – Vol. 2

Sonate pour piano No. 11 en si bémol majeur, Op. 22
Sonate pour piano No. 12 en la bémol majeur, Op. 26 « Funèbre »
Sonate pour piano No. 13 en mi bémol majeur, Op. 27 No. 1 « Quasi una fantasia »
Sonate pour piano No. 14 en ut dièse mineur, Op. 27 No. 2 « Clair de lune »
Sonate pour piano No. 15 en ré majeur, Op. 28 « Pastorale »
Sonate pour piano No. 16 en sol majeur, Op. 31 No. 1
Sonate pour piano No. 17 en ré mineur, Op. 31 No. 2 « La Tempête »
Sonate pour piano No. 18 en mi bémol majeur, Op. 31 No. 3
Sonate pour piano No. 19 en sol mineur, Op. 49 No. 1
Sonate pour piano No. 20 en sol majeur, Op. 49 No. 2
Sonate pour piano No. 21 en ut majeur, Op. 53 « Waldstein »
Sonate pour piano No. 22 en fa majeur, Op. 54
Sonate pour piano No. 23 en fa mineur, Op. 57 « Appassionata »

Giovanni Bellucci, piano
Un coffret de 3 CD du label Brilliant Classics 95131
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Ludwig van Beethoven
Les cinq Concertos

Concerto pour piano et orchestra No. 1 en ut majeur, Op. 15 (+ cadences de Beethoven, Reinecke et Glenn Gould)
Concerto pour piano et orchestra No. 2 en si bémol majeur, Op. 19 (+ cadences de Beethoven, Stavenhagen et Bellucci)
Concerto pour piano et orchestra No. 3 en ut mineur, Op. 37 (+ cadences de Beethoven, Liszt, Brahms et Fauré)
Concerto pour piano et orchestra No. 4 en sol majeur, Op. 58 (+ cadences de Beethoven, Brahms et Busoni)
Concerto pour piano et orchestra No. 5 en mi bémol majeur, Op. 73 « Empereur »

Giovanni Bellucci, piano
Sinfonie Orchester Biel Solothurn
Kaspar Zehnder, direction

Un coffret de 5 CD du label Calliope CAL2066
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Photo à la une : le pianiste Giovanni Bellucci – Photo : © DR