XX-XXI

Passons le Concerto de grand apparat, tout en toccatas obsessives, de Dieter Ammann, il fait son effet pour qu’on puisse mieux l’oublier, et venons-en de suite au diamant noir de ce disque.

Andreas Haefliger n’aura pas passé jusque-là pour un ravélien, du moins au disque, mais choisissant le Concerto pour la main gauche, il touche du premier coup au plus complexe de cet univers, et y entre avec ce sombre brio, ce ton désespéré, cette amertume dissimulée derrière un rêve jamais très loin du cauchemar, que si peu ont retrouvés depuis Samson François. Les cadences rêves, fuligineuses, belles et étranges comme des Spilliaert auxquels on aurait ajouté quelques étoiles, les grands récitatifs de mélodies font éloquent le chant du pouce : toute une poésie mortifère éclate aussi bien dans ce clavier qui martèle ses marches et ses fusées que dans un orchestres rêche dont Susanna Mälkki savoure les abrasions. Grande version très sombre, dont le ton me rappelle celui que Vincent Larderet avait osé.

Effet du voisinage ? Une certaine inquiétude s’infiltre dans un 3e de Bartók faussement classique, avec un incroyable concert d’oiseaux dans l’Adagio religioso. Le Finale est beau comme une danse, stylisée à l’extrême. Espérons que BIS continuera à enregistrer le répertoire concertant de ce pianiste trop discret, vrai musicien pour les musiciens.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
Concerto pour piano et orchestre en ré majeur, M. 82
« Concerto pour la main gauche »

Béla Bartók (1881-1945)
Concerto pour piano et orchestra No. 3, Sz. 119
Dieter Ammann (né en 1962)
The Piano Concerto (Gran Toccata)

Andreas Haefliger, piano
Helsinki Philharmonic Orchestra
Susanna Mälkki, direction

Un album du label BIS Records 2310
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Photo à la une : le pianiste Andreas Haefliger – Photo : © Marco Borggreve