Testament

De son temps Capitol, William Steinberg, déjà avec Pittsburgh, avait gravé des symphonies de Beethoven, un mystère demeurant : certaines n’étaient pas en stéréophonie sans qu’on ne sache jamais si les bandes existaient dans ce standard pour toutes. Finalement la question fut en quelque sorte résolue peu de temps après puisqu’il les remit sur le métier pour le label Command qui assurait des prises de son révolutionnaires. De quoi saisir la précision fanatique, les attaques aux scalpel, les crescendos incendiaires mais analytiques, et jusqu’à ces rythmes inextinguibles où Toscanini aurait pu se reconnaître, et dont l’élève d’Abendroth, assistant de Klemperer, ce jeune homme juif né à Cologne qui fondera l’orchestre de la Palestine avant de se choisir un destin américain, avait fait les arcanes de son art.

Testament ? Oui, même si au début des années soixante, il lui restait encore un peu moins de deux décennies pour faire rayonner sa manière impérieuse, et l’exaltant challenge de prendre la direction de l’Orchestre Symphonique de Boston alors même que sa santé déclinait, il aura fixé ici mieux que son esthétique, sa vérité.

La réédition exemplaire que propose enfin Deutsche Gammophon, héritière indirecte des bandes originales, fait ce monument sombre jusque dans sa lumière, captant son énergie farouche, la hauteur de sa vision, la vertigineuse altitude de sa spiritualité que Karajan essayait aussi de retrouver de l’autre côté de l’Atlantique, Steinberg le doublant en quelque sorte sur le poteau : son geste englobait la préoccupation esthétique, l’inféodant au discours, alors que Karajan voulait épurer le discours dans l’hédonisme. Que les deux plus ardents des enfants spirituels de Toscanini, éprouvant leurs arts dans le même sanctuaire, parviennent avec les mêmes moyens à des conclusions aussi opposées, ne laisse pas d’interroger.

Refermant le coffret Deutsche Grammophon, je retourne herboriser dans les reports effectués par Yves Saint Laurent d’après de beaux microsillons Command aux pressages soignés – il fut le premier à donner une seconde chance à cette intégrale qui n’avait jamais vraiment atteint l’Europe – et soudain une dimension supplémentaire s’impose, le grain des cordes, l’eau vive des hautbois, ces contrebasses qui rugissent, toute la matière des sillons contre l’épure des bandes. Vous choisirez.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les Symphonies (Intégrale)
No. 1 en do majeur, Op. 21
No. 2 en ré majeur, Op. 36
No. 3 en mi bémol majeur, Op. 55 « Eroica »
No. 4 en si bémol majeur, Op. 60
No. 5 en ut mineur, Op. 67
No. 6 en fa majeur, Op. 68 « Pastorale »
No. 7 en la majeur, Op. 92
No. 8 en fa majeur, Op. 93
No. 9 en ré mineur, Op. 125 « Chorale »

Ella Lee, soprano – Joanna Simon, mezzo-soprano – Richard Kness, ténor – Thomas Paul, basse – The Mendelssohn Choir of Pittsburgh
Ouverture “Leonore III”, Op. 72b

Pittsburgh Symphony Orchestra
William Steinberg, direction

1ère version (réédition officielle Universal)
Un coffret de 5 CD du label Deutsche Grammophon
Acheter l’album sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

2e version (réédition St-Laurent Studio)
5 CD du label St-Laurent Studio
Acheter les albums sur le site : Vol. 1, Symphonies Nos. 1 à 4 (Studio YSL 0128 33 / CC 11024 SD), Vol. 2, Symphonies Nos. 5 à 8 (Studio YSL 0129 33 / CC 11031 SD) et Vol. 3, Symphonie No. 9 (Studio YSL 0130 33 / CC 11001 SD) www.78experience.com

Photo à la une : le chef d’orchestre William Steinberg – Photo : © Universal