Lilian

Vienne vit assez tard Luisa Miller, malgré son sujet emprunté à la pièce de Schiller : 1974, alors que l’ouvrage connaissait une certaine renaissance de l’autre côté des Alpes, et que le disque s’y intéressait, Anna Moffo, pionnière souvent, puis Montserrat Caballé, s’y risquant, Rudolf Gamsjäger y assemblant une distribution italienne dans laquelle se glissa Christa Ludwig, trop heureuse de pouvoir se saisir des quelques mots de Federica.

Cast parfait, l’or pur de Bonisolli pour Rodolfo, Taddei en père Miller, Giaiotti en Walter et un formidable Wurm, sadique et bien chantant, Malcom Smith qui sera – pour ceux qui ne le connaissent pas – une révélation.

Mais qui pour chanter Luisa, la sacrifiée ? Lilian Sukis. Née à Kaunas, naturalisée canadienne, elle était plutôt connue pour ses Mozart, voix pure, élégance folle en scène, une beauté, et dans mon œil, dans mon oreille, une des plus émouvantee Comtesse Madeleine que j’ai vue et entendue surtout.

Cette Luisa Miller viennoise, conduite très lyrique, très « pour le plateau » par Alberto Erede si aimé à l’Opéra de Vienne où il régna des années durant sur le répertoire italien, est au fond une merveille des archives du Staatsoper, méconnue. Tous y font le drame serré et humain à la fois, Sukis campant une héroïne d’une folle jeunesse, soignant l’idéal d’un belcanto encore un peu donizettien, à la limite de ce que son instrument lyrique pouvait.

Mais dans la supplique à Wurms, il faut l’entendre fendre l’armure pour faire paraître le personnage, exprimer le dilemme : « a dir lo io fremo » vous troublera l’âme, et Mozart autant que Donizetti dans la vocalise pour clore l’air, l’art suprême d’une artiste, en quelques mesures, comme seule la scène peut le montrer.

LE DISQUE DU JOUR

Giuseppe Verdi
(1813-1901)
Luisa Miller

Bonaldo Giaiotti, basse
(Graf von Walter)
Franco Bonisolli, ténor (Rodolfo)
Christa Ludwig, mezzo-soprano (Federica)
Malcolm Smith, basse (Wurm)
Giuseppe Taddei, baryton (Miller)
Lilian Sukis, soprano (Luisa)
Milkana Nikolova, soprano (Laura)
Horst Nitsche, ténor (Un paysan)

Chœur et Orchestre de l’Opéra de Vienne
Alberto Erede, direction
Enregistrement réalisé le 23 janvier 1974

Un album de 2 CD du label Orfeo C7841021
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Photo à la une : la soprano Lilian Sukis – Photo : © DR