Ironie de l’Histoire : longtemps, Leoš Janáček chercha son alter-ego parmi ses élèves, un jeune homme auquel il put confier la somme de musiques populaires qu’il avait amassée, dont il avait tiré sa langue musicale si singulière. Il finit par la trouver en la personne de Pavel Haas : son Quintette à vents de 1929 obéit exactement aux préceptes de son maître : faire avec la musique populaire la musique de notre temps. Janáček était mort l’année précédente et ce Quintette sonne comme sa joyeuse et nostalgique épitaphe à la fois.

Mais la postérité devait trahir l’auteur de La Petite renarde rusée : Haas fut attiré dans l’orbe des modernistes, colla aux tentations surréalistes de Schulhoff, fit son langage dissonant par plaisir de provoquer, germanisa les idiomes savoureux que Janáček lui avait légués, les mettant au carré dans une Suite pour piano qu’Hindemith n’eut pas désavouée.

Puis les Nazis envahirent la Tchécoslovaquie. Haas, juif, fut déporté, gazé à Auschwitz le 17 octobre 1944 : il avait eu le temps de laisser un chef-d’œuvre absolu, son opéra, Der Scharlatan.

Alors, où trouver dans ce disque parfait l’autre merveille après les saveurs populaires du Quintette ? Dans le triptyque vocal Vyvolená : un ténor, une flûte, un cor, un piano, petit cycle qui semble faire écho au Journal d’un disparu, écrit alors que le jeune homme étudiait avec Janáček. Jörg Dürmüller y est émouvant au possible.

LE DISQUE DU JOUR

Pavel Haas (1899-1944)
Quintette à vents, Op. 10
Suite pour piano, Op. 13
Suite pour hautbois et clavier, Op. 17
Vyvolená, Op. 8 “L’Élue”, pour ténor, violon, piano et vents

Stuttgarter Bläserquintett
Monika Hölszky-Wiedemann, violon
Jörg Dürmüller, ténor
Dennis Russell Davies, piano, direction

Un album du label Orfeo C386961A
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Photo à la une : © DR