Symphonie de couleurs

Riccardo Chailly vient enfin à Richard Strauss, après des années passées en compagnonnage fidèle avec Gustav Mahler, il était temps !

Son Ainsi parlait Zarathoustra, mené vif, plus récit que parabole, indique clairement qu’il se rattache à ce que Richard Strauss et Clemens Krauss faisaient ici : pas question de traîner, il faut faire fulgurer cet orchestre jusqu’à l’enivrer, écoutez seulement le mouvement qui emporte Der Genesende, le panache du TanzliedRaphael Christ ébroue son violon, c’est tout Vienne qui rayonne dans un orchestre abandonné depuis la mort de Claudio Abbado et que Chailly ressuscite en le renforçant avec les solistes de la Scala.

Cette lumière latine chez Strauss est une bénédiction, la clarté une éthique que le compositeur prôna contre toute une certaine tradition germanique de la direction d’orchestre, Kraus et Böhm en auront hérité, Fricsay lui-même s’en sera souvenu, et Chailly est le premier depuis longtemps à renouer avec cette esthétique qui seule peut dégager des limbes le récit sensible, soudain émouvant, de Tod und Verklärung. Comme pour Zarathoustra, Chailly y préfère l’expérience humaine au fatras métaphysique.

Et Till Eulenspiegel ? Sur les pointes, brossé avec un humour vif qui ne grince jamais même pour l’exécution, Chailly y prend le temps du récit, anime les personnages, fait parler son orchestre avant de mieux revenir à la simple ivresse des timbres, aux couleurs enchanteresses pour une Danse des sept voiles souple comme une liane. Ah, et si justement, il nous enregistrait Salome, le plus puccinien des opéras de Strauss ?

LE DISQUE DU JOUR

Richard Strauss (1864-1949)
Also sprach Zarathustra,
Op. 30, TrV 176

Tod und Verklärung,
Op. 24, TrV 158

Till Eulenspiegels lustige Streiche, Op. 28, TrV 171
Tanz der Sieben Schleier (extrait de « Salome, Op. 54, TrV 215 »)

Lucerne Festival Orchestra
Riccardo Chailly, direction

Un album du label Decca 4833080
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Photo à la une : le chef d’orchestre Riccardo Chailly – Photo : © Festival de Lucerne