Panthéisme et élévation

Andris Nelsons aurait-il pu résister plus longtemps à l’attraction de la planète Mahler ? Peu probable. Son lyrisme inné, son art d’immerger l’auditoire dans un monde singulier, le raffinement de sa direction semblaient justement dédiés à l’œuvre-monde du compositeur autrichien. Le voici face à la Deuxième Symphonie, porte d’entrée décisive que tout jeune chef doit pousser pour accéder à cet univers.

Il se garde bien du moindre spectaculaire dans le Maestoso, y instillant au contraire une fièvre, une inquiétude première que la symphonie éloignera progressivement.

Dès le premier mouvement, on sait l’itinéraire spirituel certain, l’élévation imparable, les ombres seront écartées. L’anti Klemperer ? En tous cas, si le Mahler d’Andris Nelsons devait avoir un Dieu tutélaire, ce serait Bruno Walter. L’Andante plus séraphique que champêtre est déjà un autre monde ; le Scherzo sans ironie, fluide, étrange, comme un passage, Nietzsche peut proclamer son amour, mais quel dommage qu’Ekaterina Gubanova ne soit pas dans son meilleur jour.

Retour de la tempête, les Wiener Philharmoniker poudroient des éclairs, mais l’espace s’ouvre, la nuit vient, sereine, pleine d’étoiles, qui regarderont d’en haut les luttes éclatantes pour accéder à la lumière.

Itinéraire mystique, fulgurant d’ampleur, comme trop rarement la Résurrection aura connu, sinon justement sous la battue éclairée, humaniste de Walter.

Le concert s’ouvre avec l’étrange concerto pour trompette de Bernd Alois Zimmermann, Nobody Knows de Trouble I See, où le thème du spiritual rôde dans ce requiem pour les Afro-Américains, ces « strange fruts » chantés par Billy Holliday, œuvre géniale en fait, jouée avec une sorte d’amertume par Håkan Hardenberger.

Un conseil : écoutez d’abord le DVD avant de le visionner, vous constaterez à quel point le geste musical correspond au geste physique de celui qu’on peut considérer comme le successeur de cœur de Mariss Jansons.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 2
« Résurrection »

Bernd Alois Zimmermann (1918-1970)
Nobody Knows de « Trouble I See »

Lucy Crowe, soprano
Ekaterina Gubanova, contralto
Håkan Hardenberger, trompette
Chor des Bayerischen Rundfunks
Wiener Philharmoniker
Andris Nelsons, direction

Un DVD du label C Major Entertainment 748908
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Photo à la une : le chef d’orchestre Andris Nelsons – Photo : © Marco Borggreve