Les Indes brillantes

Le plus célèbre des opéras de Rameau depuis qu’il sera revenu dans l’opulent habillage de Büsser sur la scène de Garnier en 1952 ? L’ouvrage fit en tous cas la légende du Dijonnais pour un public qui l’avait alors considérablement oublié malgré la dévotion de Marcelle Meyer pour ses œuvres de clavier.

Les fastes de ses entrées susciteront en 1974 deux gravures discographiques concurrentes, Jean-Claude Malgoire répondant par une version aux intonations incertaines mais au style affirmé, au geste spectaculaire et moins aventureux de Jean-François Paillard qui emportait une distribution pleine de caractère où brillait la jeune Jennifer Smith, Phani inoubliée.

Depuis, William Christie, Hugo Reyne, Christophe Rousset et Ivor Bolton ont apporté leurs pierres à cette renaissance par épisodes, j’y ai vainement espéré Marc Minkowski, finalement ce sera le très francophile György Vashegyi qui aura assemblé au mieux la distribution dont je rêvais et emporté l’ouvrage avec l’élan et l’intensité qui lui auront trop souvent manqué.

Magnifique au premier chef, Jean-Sébastien Bou qui met sa diction noble, de très haute école, à Osman comme à Adario. Plein de subtilités et d’un chant exquis, Reinoud Van Mechelen campe un Dom Carlos exemplaire et met un style fou à son Damon. Thomas Dolié se surpasse dans ses trois rôles mais il marque en profondeur celui de Huascar, l’acte chez les Incas est la grande réussite de cette version.

Et les dames ? Une seule parvient à la quintessence de son rôle : Véronique Gens, Phani inquiète et fièrement blessée, réponse parfaite à l’incarnation de Jennifer Smith. Il ne faut surtout pas pour la princesse Inca un des petits sopranos flûtés que tant y auront employés, mais bien une voix ample au medium dense. Peu importe que Katherine Watson et Chantal Santon-Jeffery n’atteignent pas à la même complétude, leurs personnages d’ailleurs les y autorisent moins, car le surplus de vie, d’exaltation, la pompe et le décorum des ballets, l’ardeur des rythmes et le jaillissement de couleurs que déploie György Vashegyi me semble proche de régler une fois pour toute la question : on redécouvre Les Indes galantes, même s’il s’agit ici de la version révisée de 1761, soit celle en trois actes.

LE DISQUE DU JOUR

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Les Indes galantes, RCT 44

Chantal Santon-Jeffery, soprano (Hébé, Zima)
Katherine Watson, soprano (Émilie)
Véronique Gens, soprano (Phani)
Reinoud Van Mechelen, ténor (Dom Carlos, Valère, Damon)
Jean-Sébastien Bou, baryton (Osman, Adario)
Thomas Dolié, baryton (Bellone, Huascar, Dom Alvar)

Purcell Choir
Orfeo Orchestra
György Vashegyi, direction

Un album de 2 CD du label Glossa GCD924005
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Photo à la une : © DR