L’unique Regard

Beaucoup d’appelés, peu d’élus selon mes goûts pour le cycle où Messiaen exauça son mysticisme dans un piano de verre. Mes prophètes des Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus se nommaient jusqu’alors John Ogdon, Michel Béroff, Peter Serkin, Roger Muraro et Håkon Austbø. À ce quintette se sera ajouté l’enregistrement tardivement révélé de Jean-Rodolphe Kars alors que le grand geste princeps d’Yvonne Loriod m’a toujours laissé interdit.

Quelle surprise de voir aujourd’hui Martin Helmchen, un schubertien, venir dans cet univers. L’enregistrement, porté par l’acoustique si parfaite de la Christuskirche de Berlin, sera pourtant resté cinq longues années à dormir, sommeil inexplicable !

Il respire les vingt stations de ce chemin mystique d’un seul souffle. Le vocabulaire silencieux – le début de la Première Communion de la Vierge est irréel – ou tonnant de Messiaen demande un instrument qui n’existe pas, entre ondes Martenot et gamelan, sa poésie doit être inventée par le pianiste, il faut qu’il se mue dans son instrument, qu’il se dépossède de lui-même pour n’être plus que la table d’harmonie, le cadre, les marteaux et les cordes, pianiste-piano, ce que Martin Helmchen réalise avec une fluidité qui élève jusqu’au martelato de La Parole toute puissante.

Secret de cet art, les timbres, le rayonnement des timbres qui creusent l’espace, ouvrent les harmonies, font chanter une symphonie de couleurs. Finalement, ce pianiste discret et poète aurait-il trouvé dans le piano français une nouvelle oasis ? Demain Ravel et Debussy ? Il faut l’espérer.

LE DISQUE DU JOUR

Olivier Messiaen (1908-1992)
Vingt Regards
sur l’Enfant-Jésus

Martin Helmchen, piano

Un album de 2 CD du label Alpha 423
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Photo à la une : © DR