Thrénodie

En ouvrant son disque avec la Bagatelle sans tonalité, jouée comme un caprice fantasque où papillonnent encore quelques souvenirs des Mephisto-Walzer, Cédric Tiberghien aborde la part plus expérimentale du piano de Liszt. Musiques qui cherchent le silence, dorent un carillon dans le Wiegenlied, sombrent dans une lagune funèbre où les échos de Tristan se diffractent dans l’onde : une fois entendue, cette Lugubre gondola II ne s’oublie plus.

Les six pièces qui préludent à la Troisième Année de Pèlerinage, suite de tombeaux et de jardins romains, anticipent sur le ton funèbre et pourtant merveilleux qui s’impose dès le petit babil de cloche de l’Angelus!. Ce Liszt mystique va comme un gant au piano filigrané qu’y joue Cédric Tiberghien : la profondeur des timbres s’y allège d’un art évocateur, ouvrant grand le clavier sans jamais l’alourdir.

L’introspection des deux marches funèbres que sont Aux cyprès de la Villa d’EsteLiszt les note « thrénodies » – ne faisait pourtant pas accroire des Jeux d’eaux aussi sensuels, dont les balances sonores d’or et d’argent montrent le degré de subtilité auquel la palette de Cédric Tiberghien atteint aujourd’hui. Mais la mort qui prie revient conclure le cycle qui gagne ici à écarter toute éloquence pour chercher dans une certaine nudité abstraite l’émotion, patente dans la Marche funèbre pour Maximilien Ier. Espérons que demain, Cédric Tiberghien poursuivra la mise en regard des deux autres Années.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Liszt (1811-1886)
Bagatelle sans tonalité,
S. 216a

Wiegenlied, S. 198
Mephisto-Walzer No. 4,
S. 216b
La lugubre gondola II, S. 200/2
Schlafloss ! Frage und Antwort, S. 203i
En rêve, S. 207
Années de Pèlerinage III, S. 163 (Italie)

Cédric Tiberghien, piano

Un album du label Hypérion CDA68202
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Photo à la une : © DR