Requiem pour Chostakovitch

En 1978, Maxime Chostakovitch créa la 5e Symphonie que Boris Tichtchenko avait achevée deux années plus tôt : un requiem en cinq stations – Prélude, Dédicace, Sonate, Interlude, Rondo – tombeau quasiment abstrait dès son premier mouvement, stèle de sons lunaires dédiée à la mémoire de Dimitri Chostakovitch dont Tichtchenko fut tout à la fois le disciple mais surtout un des proches parmi les proches durant les dernières années de la vie du compositeur du Nez. L’œuvre est probablement la plus abstraite, la plus futuriste qui ait coulé de sa plume, hommage évident au Chostakovitch des premières œuvres, en particulier à celui de la Deuxième Symphonie, mais aussi au Chostakovitch le plus sombre : la partition cite en les masquant à peine des fragments des 4e et 8e symphonies.

Heureusement, l’enregistrement de la création à la radio de Moscou a survécu, Maxime Chostakovitch en dirigeant les jeux formels avec audace, faisant crisser les timbres, épurant les harmonies ou creusant l’espace sonore. Au centre de l’œuvre, la Sonate est un diamant brut, une folie d’ostinato, comme un grand cri d’angoisse contenue.

Quelle œuvre !, avec laquelle contraste le dessin un rien néo-classique du Concerto pour flûte, piano et cordes dédié à l’infatigable thuriféraire des œuvres de Tichtchenko, le chef d’orchestre Igor Blazhkov. Le vaste monologue qui ouvre l’œuvre est un appel à l’introspection, une rêverie nocturne où le silence semble se refermer sur la flûte avant que l’orchestre ne fasse entendre un tapis de graves, procédé cher à Tichtchenko qui aime ce contraste de l’addition des deux tessitures les plus opposées de l’orchestre.

Tout le concerto joue en finesse de ces oppositions, le piano égrenant des ostinatos, les cordes dessinant des arabesques fuligineuses (l’Allegretto), c’est d’ailleurs la partition la plus heureuse de son auteur, capricieuse (l’Allegro où le piano devient l’acteur principal), voire même teintée d’une pointe d’étrange (le Finale surprenant, qui ne quitte pas la nuance piano). Mais elle renferme une émotion pure, celle qui vous étreindra en entendant le Lento rubato. Ecoutez seulement.

LE DISQUE DU JOUR

Boris Tichtchenko (1939-2010)
Symphonie No. 5, Op. 67
Concerto pour flûte, piano et cordes, Op. 54*

*Valentin Zverev, flûte
*Alexey Nasedkin, piano
Orchestre de la Radio-Télévision d’U.R.S.S.
*Solistes de l’Orchestre d’Etat d’U.R.S.S.
Maxime Chostakovitch, direction
*Edward Serov, direction

Un album du label Northern Flowers NFPMA99111
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Photo à la une : © DR