Paris-New York

Un mystère … alors que les violonistes de la jeune génération se sont appropriés les concertos de Korngold, de Hartmann, de Szymanowski, les deux grands opus que leur consacra Bohuslav Martinů demeurent peux courus. Lorenzo Gatto puis Isabelle Faust auront relevé le Deuxième écrit durant l’exil américain en 1943 d’un oubli scandaleux, mais qui s’est soucié de l’impertinent Premier Concerto composé en exact écho aux audaces musicales du Paris cosmopolite de l’Entre-deux guerres sinon Bohuslav Matoušek dans son intégrale pour Hypérion, laquelle devrait bientôt reparaître d’ailleurs ?

Cette désaffection persistante s’explique du moins un peu au disque, Josef Suk et Václav Neumann en ayant gravé des versions parfaites difficilement égalables pour le style comme pour l’esprit, les témoignages plus anciens de Bruno Belcic (pour Supraphon) et de Mischa Elman (dans la captation de la création avec Koussevitzky) s’y ajoutant dans les discothèques Martinů les plus fournies.

Mais enfin un des jeunes archets les revisite : ce que Thomas Albertus Irnberger entend dans le giocoso perpétuel du Premier Concerto est assez inouï ; si le paysage pastoral de l’Andante respire aussi bien que sous l’archet de Suk, c’est dans le Finale, tout en ostinatos, en syncopes de fox-trots et fusées, que le jeune homme fait éclater les cadres d’une des partitions les plus spectaculaires de son auteur.

À Paris, Martinů osait tout, comme ses amis Alexandre Tansman ou Marcel Mihalovici. Les épices de ses harmonies virevoltent entre l’archet qui persifle et un orchestre vert, astringent, mené avec alacrité par Heiko Mathias Förster. Une fête de rythmes et de couleurs enivrante.

L’ordonnancement plus lisible du Deuxième Concerto où le giocoso de Martinů s’épure sans perdre sa motricité – là encore, Thomas Albertus Irnberger fait danser les rythmes d’un Finale irrésistible – est mieux connu, mais le jeune virtuose le débarrasse des ombres de la guerre qu’Isabelle Faust et Jiří Bělohlávek évoquaient si finement : sa lyrique solaire rayonne dans la beauté d’une prise de son renversante.

À placer aux côtés de l’album indémodable de Josef Suk et Václav Neumann.

LE DISQUE DU JOUR

Bohuslav Martinů
(1890-1959)
Concerto pour violon et orchestre No. 1, H. 226
Concerto pour violon et orchestre No. 2, H. 293

Thomas Albertus Irnberger, violon
Janáček Philharmonie Ostrava
Heiko Mathias Förster, direction

Un album du label Gramola 99178
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Photo à la une : © Irène Zandel