Bal ou concert ?

Il faut voir les manuscrits autographes de Chopin, sa graphie légère, ses rares repentirs, pour comprendre que sa musique paraissait ex-nihilo, pour ainsi dire formée avant la naissance. C’est l’instrument, sa clarté, son évidence, qui commandaient cette simplicité de la création ; elle exige en retour de son interprète la plus grande simplicité : il n’y a pas de place chez Chopin pour le moindre maniérisme, mais pour la poésie oui !

Vittorio Forte s’approprie toutes les Valses, des joyaux brillants qui pâmaient les salons aux plus intimes, et jusqu’au Cantabile en si bémol majeur qui n’est qu’une oscillation de valse dont le balancier s’arrête sans bruit : il les joue avec une simplicité parfaite, sans excéder jamais leur registre qui ignore la salle de concert, mais sans en réduire pour autant les dynamiques.

Secret de cette quadrature du cercle, un jeu à dix doigts qui brode sur des rythmes affirmés des cantabiles émouvants. C’est que les Valses selon l’Italien sont pour le bal, il y voit des danseurs et les fait entendre, et comme Chopin le fera dans les Mazurkas, les échappées lyriques millimétrées qui ouvrent sur d’autres mondes se suggèrent d’elles-même, jamais surlignées.

Cette élégance sans fard, cette très grande simplicité qui rubatise a minima pour parfois suspendre mieux le temps (la grande Valse en fa majeur, magnifique), le style exemplaire des phrasés, la franchise des couleurs, le toucher tenu qui gomme les marteaux pour faire mieux entendre les polyphonies, la précision des émotions font au final une version singulière de ces pages si sollicitées ; n’hésitez pas à les redécouvrir ici.

LE DISQUE DU JOUR

Frédéric Chopin
(1810-1849)
Les Valses (Intégrale)
Cantabile en si bémol majeur, B. 84

Vittorio Forte, piano

Un album du label Aevea Classics AE18056
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Photo à la une : © DR