Italia novecento

Fedele d’Amico avait été estomaqué lorsque resurgit en 1969 un opus de jeunesse de Goffredo Petrassi. C’est avec cette Ouverture da Concerto que Daniele Rustioni et ses musiciens toscans ouvrent leur album monographique consacré à ce génie de la musique italienne du XXe siècle et l’effet de surprise est total : ce petit bijou sarcastique, avec son piano jazz et son ton de cabaret fut créé en 1931, et resserre dans ses quasi dix minutes tout un certain esprit hérité de la République de Weimar : Hindemith n’est jamais loin.

Cette œuvre audacieuse éclaire soudain les abstractions lyriques des œuvres de la maturité qui en étendront l’orchestre sans en diluer les couleurs. Le Ritratto di Don Chisciotte montre Petrassi débrouillant son orchestre pour y faire entrer les rigueurs du ballet, mais ce sont évidement les deux grands opus des années cinquante – le Second Concerto pour orchestre et la stupéfiante Recréation concertante avec ses bois ébarbés, ses cordes hirsutes, ses percussions sacerdotales – qui vont au cœur de cet univers flamboyant et pourtant ascétique. Le jeune chef italien magnifie ces opus exigeants dont l’audition suffit à convaincre de l’inspiration. Il faut une suite à ce premier album.

À peine ce disque rangé, j’en ouvre un autre provenant lui aussi de la branche italienne de Sony : Silvia Chiesa y fait voisiner l’ardent Concerto en sol mineur que Mario Castelnuovo-Tedesco écrivit à l’intention de Gregor Piatigorsky en 1935, où le virtuose est portraituré à coup de récitatifs épiques, avec celui plus secret que Gian Francesco Malipiero composa deux années plus tard pour Enrico Mainardi.

Le lyrisme spectaculaire de l’ouvrage de Castelnuovo-Tedesco exalte chez Silvia Chiesa son goût naturel pour un jeu expansif, à plein archet, mais elle sait trouver aussi le chant plus serré, l’imaginaire plus populaire qui parcourt l’opus de Malipiero où tout un folklore stylisé impose ses musiques savoureuses qui font souvent penser à celles de Béla Bartók.

Ces deux merveilles auraient suffi à faire un album parfait révélant deux partitions magiques, mais elle y ajoute en coda le Concerto qu’écrivit Riccardo Malipiero (le neveu de Gian Francesco) pour Gaspar Cassadó en 1957, œuvre roide, sévère, qui verse dans une lyrique nocturne étouffante.

Quel album de découvertes mené avec fougue par l’Orchestre Symphonique National de la RAI et Massimiliano Caldi, baguette acérée s’il en est !

LE DISQUE DU JOUR

Goffredo Petrassi
(1904-2003)
Ouverture da Concerto
Ritratto di Don Chisciotte
Concerto pour orchestre No. 2
Recréation concertante (Concerto pour orchestre
No. 3)

Orchestra della Toscana
Daniele Rustioni, direction

Un album du label Sony Classsical 9075851502
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Mario Castelnuovo-Tedesco (1895-1968)
Concerto pour violoncelle
et orchestre en sol mineur,
Op. 72

Gian Francesco Malipiero (1882-1973)
Concerto pour violoncelle et orchestre
Riccardo Malipiero (1914-2003)
Concerto pour violoncelle et orchestre

Silvia Chiesa, violoncelle
Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI
Massimiliano Caldi, direction

Un album du label Sony Classical 9075843102
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Photo à la une : La violoncelliste italienne Silvia Chiesa – Photo : © DR