Les Modernes

Le clavecin et la danse, vieux sujet depuis que Soler ou Scarlatti auront écrit leurs vertigineux Fandangos ; Ligeti les aura pris aux mots, s’appropriant le clavecin justement pour y faire raisonner ses danses autrement spectrales mais différentes vraiment ?

Le clavecin, maître impérieux, ordonne à Scarlatti comme à Ligeti cet art de l’ostinato, ces rythmes abrupts et cambrés, ces harmonies pimentées, cette sonorité rêche où s’exalte une guitare idéale. Pour Scarlatti, Justin Taylor va droit au but, brûlant son clavier et pourtant l’exhaussant dans des tourbillons de lumière, c’est virtuose à faire peur, agile, mordant, et pourtant d’un esthétisme crâne.

Mais lorsque Ligeti paraît – la première incise est ce fantôme façon Francis Bacon qui danse au ralenti la Passacaglia ungherese – l’espace se creuse, vertigineux, et le disque prend une toute autre dimension.

Ah non, il ne s’agit plus de danse, mais d’art abstrait dont les audaces harmoniques seraient les couleurs d’une palette fascinante par son obscur clarté. Et du coup Scarlatti, revenant, sonne aussi moderne que Ligeti.

Quadrature du cercle parfaite qui prouve le génie de ce claveciniste impertinent. Serait-ce son disque le plus abouti ?

LE DISQUE DU JOUR

Continuum

Domenico Scarlatti
(1685-1757)
Sonates pour clavier K. 141, 32, 115, 18, 208, 175, 492, 27, 213, 239, 519, K81
György Ligeti (1923-2006)
Passacaglia ungherese
Hungarian Rock (Chaconne)
Continuum

Justin Taylor, clavecin

Un album du label Alpha 399
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Photo à la une : © Jean-Baptiste Millot