Chapelle solaire

Soixante-dix sept motets ! De Lalande ne fut pas avare avec la Chapelle Royale, écrivant d’abondance sans jamais abdiquer le degré d’invention, la noblesse des phrasés, l’éloquence du sertissage dont il dorait les textes sacrés. À lui seul, il aura représenté l’apogée de la musique d’église écrite pour le Roi Soleil qui l’avait explicitement choisi, certain que ce jeune homme de vingt-six ans saurait faire souffler sur Versailles un air de renouveau.

Et De Lalande osa tout, se démarquant du ton si français de Du Mont et de Lully en développant un style nouveau qui s’entend déjà dans Deitatis majestatem pourtant écrit deux années avant qu’il ne prît ses fonctions versaillaises. Quelle merveille que ce motet, même si on y reconnaît l’empreinte de la forme de ceux de Du Mont : le brio tendre du langage, les petites symphonies effusives, l’allant de l’ensemble où s’invitent des danses, font entrer le théâtre à l’église, ce que Vincent Dumestre et ses amis rendent à merveille par la souplesse du geste, l’éloquence subtile du chant, la poésie des couleurs où se couchent les mystères des flûtes et des cordes.

Et quel autre saisissement produit le bref Ecce nunc benedicte par son ton de fête grave, sa noblesse altière : cette fois De Lalande est à Versailles et le fait entendre. Fallait-il céder à la tentation d’enregistrer le grand Te Deum que le compositeur reprit sans cesse tout au long de sa vie ?

Oui, car il compte au nombre de ses chefs-d’œuvre, son art s’y est comme sédimenté, majesté éclatante de la pompe royale qui n’oublie pas le souci profond de la religion la plus pure dont la sombre fin du règne du Roi Soleil fut marquée. Vincent Dumestre en souligne d’abord la ferveur, porté par les récits si prégnants ; la majesté en naît, aveuglante splendeur, sommet de l’art d’un compositeur qui mériterait de voir tout son catalogue enregistré avec autant de soin(s).

LE DISQUE DU JOUR

Majesté

Michel-Richard de Lalande (1657-1726)
Deitatis majestatem
Ecce nunc benedicte, S. 8
Te Deum, S. 32

Emmanuelle de Negri, soprano
Dagmar Šašková, soprano
Sean Clayton, ténor
Cyril Auvity, tenor
André Morsch, baryton
Ensemble Aedes (Chef de chœur : Mathieu Romano)
Le Poème harmonique
Vincent Dumestre, direction

Un album du label Alpha Classics 968
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Photo à la une : Le chef Vincent Dumestre – Photo : © Outhere