Du tragique

Un récital de Fantaisies qui ne prend pas celle de Schumann pour prétexte, c’est rare, mais cela ne m’étonne guère venant d’une pianiste aussi artiste qu’Anna Tsybuleva.

Mieux, elle lui préfère pour pivot de son premier album la Wanderer-Fantasie de Schubert, et quelle ! Elle ne prête aucune attention à son ut majeur que tous claironnent et tend sur ses tempêtes un ciel de nuages noir d’encre, fantasmagorie pour roi des Aulnes, où errerait Wotan, paysage tragique si singulier qu’il est difficile ne pas l’entendre une fois puis une fois encore.

La sonorité de la jeune Russe est merveilleuse, si ample, si sombre, son jeu où toutes les polyphonies s’entendent va comme un gant à la Fantaisie en fa dièse mineur de Carl Philipp Emanuel Bach comme aux humeurs fantasques de l’Op. 77 de Beethoven, mais ces deux portiques ne sont là que pour introduire au sombre éclat de cette Wanderer et à la grande ballade nocturne que deviennent sous ses doigts les Fantaisies Op. 116 de Johannes Brahms, plus poétisées qu’en son concert du Klavier-Festival Ruhr 2016 que j’avais chroniqué ici, et qui me l’avait révélée.

Disque de sombre magie dont j’espère qu’il sera le premier d’une belle collaboration entre Anna Tsybuleva et cet excellent label anglais dont les pianos sont toujours somptueux.

LE DISQUE DU JOUR

Fantasien

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Fantaisie en fa dièse mineur
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Phantasie, Op. 77
Franz Schubert (1797-1828)
Fantaisie en ut majeur, Op. 15, D. 760 „Wanderer-Fantasie“
Johannes Brahms (1833-1897)
7 Fantasien, Op. 116

Anna Tsybuleva, piano

Un album du label Champs Hill Records CHRCD131
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Photo à la une : © DR