Judaïté

Cela aura été l’ultime enregistrement d’Israël Yinon, emporté par une crise cardiaque alors qu’il dirigeait la Symphonie alpestre de Richard Strauss. Il aura passé sa vie à défendre et à illustrer les œuvres des musiciens juifs victimes du nazisme, à explorer avec une pointe de génie les œuvres orchestrales d’Eduard Erdmann ou d’Alexandre Tansman, autant dire que les deux disques qu’il consacra à l’œuvre de Paul Ben-HaimPaul Frankenburger de son nom d’avant son Alia, dans sa jeunesse l’assistant de Bruno Walter – sont la coda d’une entreprise bien plus vaste hélas dispersée entre quantité de labels dont certains disparus (Koch-Schwann).

Le Concerto grosso de 1931 montre le visage le plus singulier de Ben-Haim. Il était encore pour quelques mois Kappellmeister à Augsburg, participant au grand concert européen de la modernité, son écriture faussement néo-classique cite abondamment Mahler, et singe Hindemith ; elle est assez éblouissante d’écriture, résolument conquérante, l’exact portrait d’un compositeur d’importance dans sa trentaine glorieuse.

L’exil aura détruit ses audaces. Devenu un personnage officiel en Israël, son œuvre se fera besogneuse, affichant une judaïté militante dont la médiocre 2e Symphonie est le reflet ingrat, orchestre lourd, harmonies indigentes, pas même un métier pour coudre avec grâce et inspiration les mélodies juives alignées à la hâte. Mieux aurait valu révéler Pan, partition fascinante datant de la même année que le Concerto grosso, autre preuve d’un art qui n’aura trouvé son substrat que sur sa terre natale. Mais de cela Israël Yinon n’aura pas eu le temps – hélas !

LE DISQUE DU JOUR

Paul Ben-Haim (1897-1984)
Symphonie No. 2
Concerto grosso

NDR RadioPhilharmonie
Israël Yinon, direction

Un album du label CPO 777 677-2
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Photo à la une : © DR