Le 2 février 1921, le public londonien découvre Leff Pouishnoff, ébahi devant la perfection de son jeu. Ernst Newman le célèbre dans un article resté fameux où son art si précis, son sens aigu des rythmes, une façon de jouer un rien sec qui semblait aller à l’encontre des pratiques de l’école de piano impériale – il avait été l’élève d’Anna Essipova au Conservatoire de Saint-Pétersbourg – un grand sens des nuances jamais affecté dépeignent exactement ce que les enregistrements aujourd’hui assemblés par APR font entendre.
Au sommet, les Chopin, si cultivés, si élégants, droits, vifs, sans afféterie, merveilleusement préparés et réalisés : écoutez le « filé » de l’Étude Op. 25 No. 2, les rythmes suggérés de la Mazurka Op. 30 No. 4, le grand style de la Valse en la bémol majeur des sessions de 1948. Tout le répertoire de charme, si souvent sollicité par les pianistes au temps du 78 tours, se pare d’un éclat mordoré, d’une finesse dans le legato qui justement fait tout clair. Et les deux Études de concert de Liszt montrent sa technique fabuleuse mais débonnaire par flegme, un peu à la manière de celle de Benno Moiseiwitsch.
L’album propose un vaste panel, des gravures acoustiques – bien reportées par Mark Obert-Thorn – aux ultimes sessions Saga de 1958, alors que Pouishnoff demeurait une légende à Londres. Le son est d’une beauté si douce, si tendrement chantante dans le Nocturne Op. 9 No. 2, dans la Berceuse, quel dommage qu’il se soit éteint si tôt, une année plus tard, dans sa soixante-et-unième année.
Limite de son art, la grande forme : la Sonate D. 894 en atteste, un rien raide, trop volontaire. Au rayon Schubert, mieux aurait fallu publier les merveilleuses faces de Lieder qu’il grava avec Frank Titterton.
LE DISQUE DU JOUR
Leff Pouishnoff
The Complete 78-rpm and selected Saga LP recordings
Œuvres de Albéniz, J. S. Bach, Beethoven, Chopin, Debussy, Glazounov, Grainger, Liszt, Paderewski, Pouishnoff, Rachmaninov, Saint-Saëns, Schubert
Leff Pouishnoff, piano
Un album de 2 CD du label APR 6022
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Photo à la une : Dessin de William Samuel Rundle, réalisé en 1959 et représentant le pianiste Leff Pouishnoff – Photo : © DR