Le sacre d’un printemps

À vingt-sept ans, Seiji Ozawa, remplaçant Georges Prêtre qui avait eu la bonne idée de tomber malade, médusa le public du Festival de Ravinia : l’Orchestre Symphonique de Chicago qui y prenait ses quartiers d’été, se trouva face à un brillant jeune homme auréolé des satisfecit de Karajan et de Bernstein. Devant l’enthousiasme des musiciens, RCA ne barguigna pas, et proposa un contrat au nouveau directeur de l’orchestre tout fraîchement nommé, Jean Martinon, et un autre à Seiji Ozawa. Chacun à leur manière, ils allaient pérenniser la saga discographique entreprise par la phalange de Chicago avec Fritz Reiner.

On sait que contrairement à ce qui advint pour Jean Martinon, l’aventure discographique du Symphonique de Chicago et de Seiji Ozawa perdura après l’expiration du contrat RCA, EMI prenant le relais, mais toutes les gravures réunies ici et réalisées entre 1965 et 1968 illustrent l’émerveillement réciproque entre le jeune Japonais et l’orchestre américain, qui l’avait en quelque sorte élu : tout sonne avec un sentiment d’évidence, que ce soit la 5e Symphonie de Beethoven (2è mouvement !) ou Le Sacre du printemps, l’entente mutuelle est flagrante dans la perfection de la réalisation – Tableaux d’une exposition incroyables de détails qui rendent justice d’abord à la poésie de Ravel – comme dans cette liberté qui semble improviser les phrasés tout au long d’une Cinquième Symphonie de Tchaikovski très appassionata.

Les deux Concertos pour piano de Bartók (Nos. 1 et 3) où le jeune Peter Serkin assurait encore crânement ses foucades – un autre disque tout Schoenberg le montre déjà plus rangé -, sont désarmants de lyrisme jusque dans les pages bruitistes du Premier, ce qui indique qu’à moins de trente ans, la poétique de l’art d’Ozawa était déjà consommée.

Au sommet de ces premières années de collaboration, bien sûr, un Sacre du printemps félin, fulgurant, où l’on voit littéralement les danseurs : partition en main, le plus parfait jamais enregistré.

Ces six disques-miracles, réédités avec art, accompagnés d’un livret dévoilant de rares photographies sont indispensables.

LE DISQUE DU JOUR


Seiji Ozawa & Chicago
Symphony Orchestra

The Complete RCA
Recordings

Béla Bartók (1881-1945)
Concerto pour piano No. 1,
BB 91, Sz. 83

Concerto pour piano No. 3,
BB 127, Sz. 119

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 5 en ut mineur, Op. 67
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Tableaux d’une exposition
Une nuit sur le mont Chauve
Arnold Schoenberg (1874-1951)
Concerto pour piano, Op. 42
5 Klavierstücke, Op. 23
Phantasie pour violon et piano, Op. 47
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 8 en si mineur, D. 759, « Inachevée »
Igor Stravinsky (1882-1971)
Feux d’artifices, Op. 4
Le sacre du printemps
Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893)
Symphonie No. 5 en mi mineur, Op. 64

Peter Serkin, piano
Arnold Steinhardt, violon
Chicago Symphony Orchestra
Seiji Ozawa, direction

Un coffret de 6 CD du label Sony Classical 88985392102
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Photo à la une : © RCA/Sony Classical