Retour à Schubert

Fil rouge de ce voyage impromptu, l’Opus 142 : Shai Wosner après son premier album définitif regroupant les Sonates D. 840 et 850, après sa stupéfiante Sonate D. 959 et ses Moments musicaux qui cherchaient le silence, devait revenir à Schubert.

Les ultimes Impromptus, eux aussi si justement silencieux se dispersent au long d’un récital où s’intercalent d’autres pages saisies dans l’instant, cela m’a d’abord déconcerté, j’ai lutté, programmant mon lecteur pour n’entendre que les quatre miroirs nocturnes de Schubert, voir son Wanderer esseulé, entendre cette nuit d’hiver, ce chemin bleu de neige qui crisse dans le clavier.

Puis sacrifiant mon plaisir, j’ai filé l’écoute d’un coup, en dévidant sa pelote de sons. Ives écrit aussi sur le silence, dans un ambitus temporel webernien, et nomme ses impromptus Improvisations revenant au sens premier de ce genre qui fut illustré d’abord par des compositeurs de la Mitteleuropa, comme Dvořák, dont le complexe Impromptu en ré mineur fait lutter une danse avec une phrase éperdue.

Shai Wosner aurait pu aller chercher chez Voříšek, chez Tomášek, chez Benda même, mais il préfère l’indolent Prélude dans les deux tons de Gershwin, où chez Liszt ce Nocturne hors du temps mal nommé Impromptu, qui donne si bien la main à ceux de Schubert, et à trois Impromptus de Chopin, joués tenus mais pourtant désarmants de lyrisme, qui font regretter l’absence de la Fantaisie-Impromptu.

Pourtant rien n’y fait, c’est chez Schubert que tout l’art pianistique de Shai Wosner paraît, ce piano sans clavier dont les cordes sont quasiment vocales, ce sens du jeu de timbres qui agrandit l’espace de l’instrument bien au-delà de sa caisse de bois. Cette résonance de l’intime avec quelque chose qui relèverait d’une douleur absolue, mais dominée, si schubertienne.

LE DISQUE DU JOUR

Impromptu

Franz Schubert (1756-1791)
4 Impromptus, Op. 142,
D. 935

Charles Ives (1874-1954)
Improvisation for piano I & III
Antonín Dvořák (1841-1904)
Impromptu en ré mineur,
B. 129

George Gershwin (1899-1937)
Impromptu in Two Keys
Frédéric Chopin (1810-1849)
Impromptu No. 1 en la bémol majeur, Op. 29
Impromptu No. 2 en fa dièse majeur, Op. 36
Impromptu No. 3 en sol bémol majeur, Op. 51
Franz Liszt (1811-1886)
Impromptu (Nocturne), S. 191
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Fantaisie en sol majeur, Op. 77

Shai Wosner, piano

Un album du label Onyx Classics 4172
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Photo à la une : © Marco Borggreve