Bien joué !

Une nouvelle Heure espagnole, mazette, c’est qu’il en pleut presque autant que d’Enfant ces derniers temps. Voici donc après les excellents Slatkin et Denève ou encore Bruno Maderna sorti des limbes de la BBC, et leurs équipes affûtées, l’écho d’un concert munichois.

Sur le papier, cela faisait un peu outsider, d’autant qu’Asher Fisch m’avait si souvent déçu par ses Verdi décousus, la surprise n’en est que plus belle. Dès la symphonie des horloges, on oublie la description pour savourer l’atmosphère, et lorsque le Ramiro du formidable Alexandre Duhamel lance son « Senor Torquemada, horloger de Tolède ! », j’ai le sentiment que la partie va être gagnée.

Asher Fisch se garde bien de diriger la comédie presto, un rien sec, comme le faisait Ansermet, il soigne son récit, enrubanne ses personnages, et laisse tout le temps aux sous-entendus du texte de Franc-Nohain pour faire leur effet à plein. Et pourtant la comédie n’en finit pas de rayonner, la formidable équipe de chant ayant tout l’espace pour la pimenter à souhait.

Bien plus libre qu’avec Stéphane Denève, Alexandre Duhamel est parfait en muletier sans façon, inusable, Julien Behr est une sacrée surprise en Gonzalve poète obstiné chanté très ample, tous sont parfaitement dans leurs emplois (Mathias Vidal n’est pas dupe un instant, Lionel Lhote sait ses chances inexistantes, et persévère pourtant) mais une incarnation emporte la mise : Gaëlle Arquez incarne Concepción telle que je l’espérais depuis Fanny Heldy, maîtresse-femme qui mène son monde à la cravache, ce qui ne réduit pas ses charmes (on sent qu’elle a écouté Denise Duval), et la voix est d’une beauté stupéfiante.

Même Stéphanie d’Oustrac qui s’essayait à cette veine n’est pas parvenue à la montrer avec tant de naturel, à la faire chanter avec tant d’aplomb. Donc, vous ne vous passerez pas de ce nouveau tour d’horloge.

España joliment décorative en complément, presqu’inutile, mais je ne vais pas bouder un peu de Chabrier.

LE DISQUE DU JOUR


Emmanuel Chabrier (1841-1894)
España,
rhapsodie pour orchestre

Maurice Ravel (1875-1937)
L’heure espagnole, M. 52

Gaëlle Arquez,
mezzo-soprano (Concepción)
Julien Behr, ténor (Gonzalve)
Mathias Vidal, ténor (Torquemada)
Alexandre Duhamel, baryton (Ramiro)
Lionel Lhote, baryton (Don Inigo Gomez)
Münchner Rundfunkorchester
Asher Fisch, direction

Un album du label BR-Klassik 900317
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Photo à la une : La mezzo-soprano Gaëlle Arquez – Photo : © Centre Stage Artist Management