Fêtes vénitiennes

Les tirant des musiques du Carnaval de 1729, Ann Hallenberg enregistre sept œuvres vocales qui parurent alors dans les théâtres de la Sérénissime, airs d’opéras tous oubliés du disque dont six sont enregistrés en première mondiale. Mazette ! C’est une fête vocale étourdissante où l’ébullition le dispute à la poésie que nous offre la mezzo-soprano suédoise, jamais aussi à l’aise qu’en ce répertoire du premier belcanto dont elle possède tous les codes stylistiques.

Mais avant même que sa science, c’est le génie intuitif de son art et la simple plénitude de son timbre qui créent le sentiment d’un voyage musical unique, que rehausse encore l’éclat des écrins sonores que lui offrent Il pomo d’oro dont Stefano Montanari cravache les archets ou caresse les bois.

L’ombre des castrats passe ici, et Porpora y paraît même avec trois airs de sa Semiramide riconosciuta. Le théâtre est partout, Hallenberg concluant l’album avec l’étourdissant « Nave alter ache in mezzo all’onde’ » extrait de L’abbandono di Armida de Leonardo Vinci : l’Orlando furioso de Vivaldi n’est pas si loin et Montanari ferait bien de se pencher sur cet opéra qui est l’un des chefs-d’œuvre de Vinci.

Si les airs du Filandro d’Albinoni plaident tout autant pour la redécouverte de son corps lyrique, si l’Adelaide d’Orlandini, très documentée ici avec quatre airs, tire l’oreille, la grâce absolue est atteinte par les deux airs d’Ipermestra du Gianguir de Geminiano Giacomelli : ce hautbois qui enlace cette voix, ces pizzicato éthérés, cette suspension du chant pourraient être du jeune Mozart. Écoutez seulement. Prise de son splendide, texte d’introduction passionnant, objet soigné.

LE DISQUE DU JOUR

Carnevale 1729

Œuvres de Tomaso Albinoni, Geminiano Giacomelli, Leonardo Leo, Giuseppe Maria Orlandini, Nicola Porpora, Leonardo Vinci

Ann Hallenberg, mezzo-soprano
Il Pomo d’Oro
Stefano Montanari, direction

Un album de 2 CD du label Pentatone PTC5186678
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Photo à la une : © DR