Le Parnasse de Cologne

Hanovre, Beethoven Saal, janvier 1978, un groupe de jeunes gens allemands enregistrait tout un disque de musique française du Grand Siècle. A la même époque, Jordi Savall faisait découvrir à un public de discophiles stupéfaits les Premier et Second Livres des Pièces de Viole de Marin Marais. Justement, Reinhard Goebel et ses amis du Musica Antiqua Köln ouvraient leur premier album avec la Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont de Marais. Ce thème obsédant devint vite l’étendard de toute une génération de jeunes mélomanes français, se réjouissant que vint d’Outre-Rhin la redécouverte de cette musique d’une envoûtante tristesse.

C’était l’amorce d’une saga de musique française qu’illustre avec un bonheur contagieux ce coffret parfait voulu par Reinhard Goebel lui-même : il en narre les aventures – qui s’étendront sur un quart de siècle – dans un texte éclairant où éclate sa francophilie. On oublie trop que les Suites et les Concertos brandebourgeois de Bach qui assoiraient définitivement la renommée internationale de l’ensemble vinrent bien des années plus tard.

Entre temps, un éblouissant disque Leclair dévoilait des pages de sa musique de chambre rarement données, puis Rachel Yakar campait dans leurs décors expressifs les tristesses d’Orphée ou les fureurs de Médée : Clérambault n’avait jamais été magnifié à ce point. En 1981, la petite bande gonflait son effectif pour Philippe Herreweghe, remettant le Requiem de Gilles dans sa vérité, autre choc. A la fin du disque, Goebel ajoutait le Carillon des morts de Corette, renouvelant l’effet de stupeur qu’il avait produit avec la Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont.

Toute cette francophilie finira par se concentrer en une version anthologique des Nations de François Couperin, 250ème anniversaire de la mort du compositeur oblige. D’ailleurs, la même année 1983, Jordi Savall publiait aussi les siennes. Au catalan la spiritualité et la poésie, à l’allemand l’élan, le faste, un grand soleil de cérémonial et partout des danses : jamais la même œuvre n’avait connu en même temps un tel contraste.

Sans délaisser le Grand Siècle, les amis herborisèrent aussi dans les musiques du temps de Louis XV, y raffinant leur style, mettant toute une certaine touche italienne à leurs Buffardin, leur Philidor, leur Quentin, leur Boismortier, leur Francoeur, tout un univers si peu connu alors qui revêtait enfin ses vraies couleurs.

Puis Goebel fit tonner le chaos des Élémens de Jean-Féry Rebel. Opus ultimum croyais-je. La discographie du Musica Antiqua revenait de l’autre côté du Rhin, Telemann l’absorbait, les compagnons y transfusaient tout ce qu’ils avaient appris en parcourant le répertoire français de deux siècles.

C’était sans compter sur Gérard Corbiau qui pour Le Roi danse leur demanda en 2000 d’aller voir du coté de Lully : la bande son du film fut le véritable héros de cette entreprise, d’une présence, d’un entrain, collection de splendeurs. La flamme était ravivée, elle brûlerait encore pour un ultime album tout entier dévolu à Marc-Antoine Charpentier ouvert par la proclamation des trompettes de la Marche de Triomphe. Cette fois, la messe était dite, trois années plus tard, la brillante bande se dispersait. Ce qu’elle nous aura laissé de plus absolument transcendant mais aussi de plus aventureux est réuni dans ce coffret parfait.

LE DISQUE DU JOUR

cover-parnasse-francais-coffret-10-cdLe Parnasse français

Marin Marais (1656–1728)
La Sonnerie de Sainte-Geneviève du mont de Paris
Sonate à la Marésienne
Jean-Féry Rebel (1666–1747)
Le Tombeau de Monsieur de Lully
Les Élémens
Simphonie nouvelle
François Couperin (1668–1733)
Sonate « La Sultane »
Les Nations
Marc-Antoine Charpentier (1643–1704)
Marche de Triomphe
Messe pour plusieurs instruments au lieu des orgues, H. 513
Fanfare à deux trompettes, H. deest
Offerte pour l’orgue et pour les violons, flûtes et hautbois, H. 514
Suite pour un reposoir, H. 508
Ouverture pour l’église, H. 524
Symphonies pour un reposoir, H. 515
Offerte non encore exécutée, H. 522
Suite pour 4 parties de violes, H. 545
Pour un reposoir: Ouverture dès que la procession paraît, H. 523
Second air de trompette
Louis-Nicolas Clérambault (1676–1749)
Orphée
Médée
Jean Gilles (1668–1705)
Messe des morts
Michel Corrette (1709–1795)
Carillon des Morts
Concerto comique No. 25 en sol mineur,
« Les sauvages et La Furstemberg »

Jean-Marie Leclair (1697–1764)
Ouverture en ré majeur, Op. 13 No. 2
Sonate pour deux violons en sol mineur, Op. 12 No. 5
Trio en la majeur, Op. 14
Sonate pour deux violons en si bémol majeur, Op. 12 No. 6
Jean-Baptiste Lully (1632–1687)
Te Deum, Motet à deux chœurs
Les Folies d’Espagne
Extraits de : Phaëton, La Nuit, Les Plaisirs, Xerxès, Idylle sur la paix, Alcidiane, Le Triomphe de l’amour, Persée, Le Bourgeois Gentilhomme, Armide, Atys, Les Amants magnifiques, Isis
Jacques Cordier (1580–1655)
La Bocanne primitive
La Bocanne compliquée
Michel Lambert (1610–1696)
Ombre de mon amant (Air de cour)
Riobert Cambert (1628–1677)
Pomone (extraits)
Pierre-Gabriel Buffardin (1690–1768)
Concerto a 5 en mi mineur
Joseph Bodin de Boismortier (1689–1755)
Concerto en ré majeur, Op. 26 No. 6
Jean-Baptiste Quentin (1718–1750)
Concerto en la majeur, Op. 12 No. 1
Sonate à 4 parties en ré majeur
Michel Blavet (1700–1768)
Concerto à 4 parties en la mineur
Louis-Gabriel Guillemain (1705–1770)
Sonate en Quatuor en la mineur, Op. 17 No. 6
François Francoeur (1698–1787)
Sonate en trio en mi majeur, Op. 2 No. 6
François-André Philidor (1726–1795)
Quatuor en sol majeur (extrait de « L’Art de la modulation »)

Rachel Yakar, soprano (Clérambault)

Anne-Marie Rodde, soprano (Campra)
Jean Nirouet, contre-ténor (Campra)
Martyn Hill, ténor (Campra)
Ulrich Studer, basse (Campra)
Peter Kooy, basse (Campra)
Collegium Vocale, Gent (Campra)
Philippe Herreweghe, direction (Campra)

Céline Scheen, soprano
Gödele Heidbüchel, soprano
Conor Biggs, bass
Ex Tempore (chef de chœur : Florian Heyerick)

Musica Antiqua Köln
Reinhard Goebel, direction

Un coffret de 10 CD du label Archiv Produktion 000289 4796206
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Photo à la une : © DR