D’un siècle l’autre

Shai Wosner l’a déjà prouvé avec un album couplant Brahms et Schoenberg, il a le goût des rapprochements éclairants. Cette fois, il ose un grand écart assez saisissant : qu’est-ce-qui peut bien réunir par delà l’écart de deux siècles Haydn et Ligeti ? Un certain « hungarisme » ?

Ce serait resté trop à la surface : Wosner entend plutôt chez l’un comme chez l’autre un subtil équilibre entre le populaire et le savant, et une gourmandise pour le jeu des sonorités. Inutile de souligner à quel point son piano subtil et dansant, la simplicité profonde de son harmonie naturelle vont aux deux Concertos de Haydn, joués sans esbroufe et dont les Adagio risquent de vous tirer quelque larme : cette pudeur est étreignante.

Dans les instantanés du Concerto de Ligeti – qui occupe les plages 6 à 10 et non six à onze comme indiqué par erreur – il ne souligne rien, laissant opérer les tours de passe-passe sonore, cherchant la fusion avec les timbres d’un orchestre réglé avec art par Nicholas Collon. C’est autrement plus lyrique et fascinant que le ton sec qu’y ont mis jusque-là certains de ses collègues pourtant adoubés par le compositeur.

Une autre bataille, plus charmante, se joue comme en aparté au long du disque : deux Capriccios de Haydn, délurés, lui, font son clavier solaire, alors que deux autres de Ligeti sonnent sombres, presque menaçants, comme si Bartók y réapparaissait.

Ah, tiens, Bartók, ce pourrait être une idée si cherchant d’autres correspondances hongroises, Shai Wosner mariait demain En plein air ou quelques recueils d’inspirations populaire avec quelques pièces de Schubert, ce compositeur qui lui est un fil rouge.

LE DISQUE DU JOUR

cover haydn ligeti wosner onyxGyörgy Ligeti (1923-2006)
Capriccio No. 1
Capriccio No. 2
Concerto pour piano
et orchestre

Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Concerto pour clavier
en ré majeur, Hob. XIII:11

Concerto pour clavier
en sol majeur, Hob. XVIII:4

Fantasia en ut majeur, Hob.XVII:4, « Capriccio »
Capriccio en sol majeur, Hob. XVII:1, « Acht Sauschneider müssen sein »

Shai Wosner, piano
Danish National Symphony Orchestra
Nicholas Collon, direction

Un album du label Onyx 4174
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Photo à la une : © DR