Un personnage

Voilà qu’Augustin Dumay ajoute à sa discographie, peu profuse en ouvrages du XXe siècle, un des opus majeurs de la littérature moderne pour violon. Le Second Concerto pour violon de Béla Bartók, sommet de la veine expressionniste du compositeur, fascine les violonistes autant qu’il les repousse.

Les archets les plus revêches, les plus rêches s’y seront transfigurés, de Rostal à Gitlis en passant par Gertler ou Menuhin et jusqu’à Patricia Kopatchinskaya qui y aura signé son disque le plus abouti à ce jour, les plus beaux violons s’y seront plus cherchés que trouvés.

Dumay, dont on sait le jeu admirablement équilibré, et l’ampleur de la sonorité, promettait beaucoup dans ce vaste concerto-symphonie. Je ne m’attendais par qu’il tienne tant. Car ce qu’il offre ici en termes d’engagement, de présence, de variété de jeu prouve qu’il a tout compris de ce monde sonore envoûtant et tragique, l’entendant d’abord comme un manifeste de la modernité.

Ce jeu à la corde, brûlant, virtuose mais d’abord « espressivo » me coupe le souffle car la beauté naturellement rayonnante de sa sonorité abdique tout narcissisme. Kent Nagano s’enflamme devant ce discours tendu, fulgurant, son Orchestre Symphonique de Montréal tonne et gronde comme à la grande période de Charles Dutoit, mais le même soir – car l’on est au concert – ils se font soudain bien discrets, pour ne pas dire anonymes, dans un Concerto pour orchestre réduit à une lecture. Peu importe, ce Second Concerto où le violon devient un personnage héroïque est le vrai sujet de ce double album joliment édité. Et si demain Dumay tentait les Sonates ?

LE DISQUE DU JOUR

cover dumay bartok onyxBéla Bartók (1881-1945)
Concerto pour violon et orchestre No. 2, Sz. 112
Concerto pour orchestre,
Sz. 116

Augustin Dumay, violon
Orchestre Symphonique de Montréal
Kent Nagano, direction

Un album de 2 CD du label Onyx Classics 4138
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Photo à la une : © Thibault Daguzan