Zemlinsky transcrit

Coup sur coup, John Storgårds publie deux albums dévolus à Zemlinsky, largement envisagé sous l’angle de la transcription. Non pas d’une transcription qui réduirait son orchestre opulent à quelques instruments, mais au contraire qui élargit la palette – décor comme expression – d’un cycle de chant du piano à l’orchestre ou d’un quatuor à un vaste ensemble de chambre.

Les Sieben Lieder von Nacht und Traum ne constituent pas l’opus vocal le plus couru de Zemlinsky, et d’ailleurs ce cycle n’existe que grâce à son transcripteur, Richard Dünser, qui y assemble des lieder écrits pour voix médiane par le jeune compositeur entre 1896 et 1901 : l’omniprésence de l’influence de Mahler dans les touches populaires comme dans un lyrisme ombreux est encore rehaussée par ce petit orchestre à la fois profus et évocateur. Jenny Carlstedt se débrouille de cette parure parfois un rien trop entêtante, n’oubliant jamais de faire sonner le texte.

La proposition est autrement stupéfiante pour le vaste Deuxième Quatuor à cordes qui, revisité par un orchestre de chambre assez étendu, sonne soudain comme une nouvelle Kammersymphonie, plus proche de celles imaginées par Arnold Schoenberg que du modèle posé par Franz Schreker. John Storgårds lui donne un élan dramatique certain, s’en fait si bien l’avocat qu’elle devrait trouver les chemins du concert.

Après ces élargissements, comment faire aussi grand avec du plus petit ? Roland Freisitzer n’a pas froid aux yeux en s’attaquant à un des chefs-d’œuvre de la maturité de Zemlinsky, sa Sinfonietta qui sera crée à Prague en 1935 et enthousiasmera Schoenberg lorsqu’il entendra la radiodiffusion d’un concert du New York Philharmonic dirigé par Dimitri Mitropoulos le 29 décembre 1940. En réduisant le nombre d’instrumentistes, Freisitzer aiguise encore les prodigieuses symphonies de timbres que Zemlinsky resserra dans une écriture à la pointe sèche, John Storgårds choisissant l’option, admise par le transcripteur, d’employer tout le quatuor d’orchestre.

Mais la vraie surprise de ces deux disques assez somptueux reste la gravure en première mondiale de la version originale de Die Seejungfrau, œuvre manifeste de sa jeunesse, rétablissant les deux vastes sections que Zemlinsky avait coupées probablement sur les conseils de Schoenberg. Le visage de l’œuvre en est changé, elle devient l’alter ego du Pelleas und Melisande de l’auteur de Verklärte Nacht, et Storgårds en offre une lecture fascinante, sombre, expressionniste, prouvant qu’il doit poursuivre dans ce tropisme viennois déjà illustré par deux splendides albums Korngold. Et si demain, il nous proposait la Lyrische Symphonie ?

LE DISQUE DU JOUR

cover zemlinsky chamber ondineAlexander von Zemlinsky (1871-1942)
Sieben Lieder von Nacht
und Traum

Quatuor à cordes No. 2
(arr. pour orchestre de chambre : Richard Dünser)

Jenny Carlstedt,
mezzo-soprano
Orchestre de Chambre de Laponie
John Storgårds, direction

Un album du label Ondine ODE 1272-2
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cover seejungfrau storgards ondineAlexander von Zemlinsky
Die Seejungfrau
(version originale)

Sinfonietta, Op. 23
(arr. Roland Freisitzer)

Orchestre Philharmonique d’Helsinki
John Storgårds, direction

Un album du label Ondine ODE 1237-5
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Photo à la une : © DR