Univers Lutoslawski

Krzysztof Urbański, avec sa belle gueule virile, passe pour l’un des espoirs de la nouvelle génération de la direction d’orchestre. Charismatique, il l’est assurément, du moins sur la pochette du disque : manches retroussées laissant voir des avant bras musculeux dans un noir et blanc karajanesque : Clouzot, sors de ce disque !

J’arrête de me moquer : le programme est bien composé, Concerto pour orchestre « in extenso », la sublimissime (et méprisée) Mala Suita, la 4e Symphonie, ultime chef-d’œuvre. Si on voulait recommander un premier disque Lutoslawski, ce pourrait être, par le simple programme, celui-ci.

Mais si vous voulez en tous cas le Concerto pour orchestre, alors plutôt Ozawa à Chicago pour la version non coupée, et l’incroyable gravure de Paul Kletzki avec L’Orchestre de la Suisse Romande qui taille dans la coda – après tout il était aussi compositeur, et talentueux en plus ! – mais emporte l’œuvre avec une verve qu’on ne trouvera pas ici : Urbański lisse tout dans un legato que même Karajan n’aurait pas osé. Ce geste esthétique aura ses thuriféraires, mais pour moi qui ai appris l’œuvre avec le disque de Kletzki, j’ai la certitude de n’en entendre que le fantôme … et je soupire en pensant à ce qu’en aurait fait le grand chef polonais du moment, Łukasz Borowicz.

Mes réserves cessent devant une Mala Suita délicieuse de verve et de poésie où soudain les pupitres des hambourgeois semblent s’éveiller : du relief, de l’humour, de la virtuosité, lyrique ou piquante. C’est très bien, c’est senti, enlevé, cela vibre et émeut.

Et la Quatrième Symphonie ? Un astre mystérieux semble venir de très loin dans ses premières mesures où la clarinette met une longue phrase avant qu’un concert de vents, de bois et de piano n’étoilent une voie lactée. Quelle œuvre mon Dieu ! Quel nocturne infini, quel hymne saturnien. Urbański en a tout compris, la divagation un peu ivre, les accidents sonores, la longue ligne orante, ouverte sur le cosmos, ce regard au-delà de la mort qui chante dans les dialogues des cordes solos avant la coda. Voilà un disque qu’il faut écouter … jusqu’à la fin.

LE DISQUE DU JOUR

cover lutoslawski urbanski alphaWitold Lutoslawski (1913-1994)
Concerto pour orchestre
Mala Suita
Symphonie No. 4

NDR Sinfonie-Orchester
Krzysztof Urbański, direction

Un album du label Alpha 232
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Photo à la une : © DR