26 octobre 1986, Vladimir Horowitz entre sur la scène du Chicago Orchestra Hall et va droit au piano, jouant à peine assis deux Sonates de Scarlatti qui coulent là, sans façon, toutes parées d’or, cet or sonore dont il eut toujours le secret mais qui prit une rêveuse couleur automnale au soir de sa vie.

Rien à faire, Horowitz c’est le son magique, unique. Un virtuose bien entendu, et qui aura assumé dans un siècle rigoriste l’héritage des pétrisseurs d’ivoire, mais en fait, en dernier recours, un poète qui dans ses ultimes années 80 – il s’éteignit très sereinement le 5 novembre 1989 à son domicile new-yorkais – fuyait absolument la galerie d’effets qui le tenta longtemps, d’autant plus que sa légende l’y forçait.

C’est probablement pour cela que j’aime tellement ses derniers enregistrements en concert – aussi parce que son piano sorcier, souvent trahi par les studios d’enregistrements, y est enfin capté dans toute sa splendeur.

Ce concert en matinée – le grand âge avait contraint le pianiste, sauf exception, à abandonner les soirées – était inédit. Il n’apporte rien de plus à notre connaissance d’Horowitz, mais le plaisir de l’entendre dire son Mozart avec ce mélange de joie et de tendresse dans le Rondo en ré ou cette Sonate en ut majeur, se délecter des effets de couleurs dans la 6e Soirée de Vienne ou le Sonnet 104 de Liszt, et quasiment se perdre dans l’Arabesque de Schumann qui n’est plus qu’un poème crépusculaire, ou phraser sostenuto son Scriabine – j’entends bien qu’il a celui de Sofronitzki en tête durant toute l’Etude en ut dièse mineur, cela ne se refuse pas.

Sommet du concert, le bouquet Chopin : deux Mazurkas comme improvisées et le Scherzo No. 1, où le pianiste sort ses griffes et contrôle l’écriture en usant de la pédale, élément essentiel d’un art dont je ne me lasserais jamais.

LE DISQUE DU JOUR

Horowitz – Return to Chicago
Domenico Scarlatti
(1685-1757)
Sonate pour clavier en mi majeur, Kk. 380
Sonate pour clavier en mi majeur, Kk. 135
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Adagio en si mineur, KV 540
Rondo en ré majeur, KV 485
Sonate pour piano No. 10 en ut majeur, KV 330
Et aussi
Œuvres de Chopin, Liszt, Moszkowski, Schumann, Scriabine

Vladimir Horowitz, piano

Un album du label Deutsche Grammophon 4794649
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Photo à la une : © DR