Tom Poster entre dans la rêverie agreste de la Sonate « Pastorale » en poète, avec un clavier tout en sfumatos. Il prend son temps, cherchant les équilibres, trouvant les suspensions du discours, ne brusquant rien. Sonorité admirable qui rappelle celle que jadis Solomon mettait à son Beethoven. Comme Solomon, il refuse de briser la ligne, développe ce vaste cantabile serein où un jeu à dix doigts produit des paysages qui semblent infinis. Cette discrétion est d’un vrai musicien, ce sens des couleurs et du discours d’un aède.
Inutile de dire qu’il se trouve tout autant chez lui dans les Waldszenen de Schumann dont il arpente les sentiers perdus avec une tendresse désarmante, mais des doigts impeccables. Toujours cette alliance du sentiment et de la couleur, et ce discours lyrique où tout évoque.
Car décidément le piano de Tom Poster ignore les marteaux, il n’est que timbres comme tout au long d’une Deuxième Sonate de Chopin sans pathos, classique de ligne, d’une pureté d’architecture qui soudain épargne à l’œuvre les débordements d’un romantisme de surface.
Il faut écouter les contre-chants du premier mouvement, la noblesse du Scherzo pris à tempo giusto et non plus boulé comme par tant de pianistes qui ne veulent en faire qu’un effet, ou encore l’évocation subtile de la Marche funèbre, ou enfin la ligne de fuite tout en gris colorés du Finale.
En épilogue, Tom Poster ajoute Dieu le Seigneur est né, petite icône sonore de cinquante-trois secondes où Janáček emprisonne une pensée sereine. Magique ! Avec cette sonorité de songe, Sur un Sentier recouvert, lui irait comme un gant.
LE DISQUE DU JOUR
Light and Shadows
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 15
en ré majeur, Op. 28
« Pastorale »
Robert Schumann
(1810-1856)
Waldszenen (Scènes
de la forêt), Op. 82
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 2 en si bémol mineur, Op. 35 “Funèbre”
Leoš Janáček (1854-1928)
« Dieu le Seigneur est né »
Tom Poster, piano
Un album du label Edition Records EDN1060
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Photo à la une : © Sussie Ahlburg