Amériques du Nouveau-Monde

Voici peu Hugues Mousseau me rappelait une version majeure d’Amériques, d’ailleurs assez peu courue, celle du Carnegie Mellon Philharmonic dirigé par Juan Pablo Izquierdo. Ce disque devenu assez rare couplait à l’œuvre-monde de Varèse trois partitions de Xenakis, dont ma préférée, La Déesse Athéna. J’avais rangé le disque à X et oublié un peu vite le Varèse.

Recevant un nouvel enregistrement d’Amériques, cette foi signée par Ludovic Morlot et son Seattle Symphony Orchestra, je ressortais le disque des étudiants du Carnegie Mellon. Car cette formation au nom mystérieux est le grand orchestre formé par les étudiants de l’Université de Pittsburgh.

Secret de cette version irrépressible, un métronome implacable, et une aération des textures pourtant si enchevêtrées par Varèse qui rappelle que Juan Pablo Izquierdo apprit son métier auprès d’Hermann Scherchen. Avec cela, une volonté de rester d’abord dans les fonctions bruitistes de l’œuvre : la sirène hurlant au final rappelle qu’à Pittsburgh on savait encore alors ce que signifie la modernité industrielle. Vous peinerez à trouver ce disque, cherchez le pourtant car je crois bien qu’avec les lectures de Boulez et de Chailly, celle d’Izquierdo tient le haut du pavé.

La proposition de Ludovic Morlot et de ses musiciens se place à l’exact opposé : une minutieuse étude de timbres qui fait entendre tout ce que l’écriture lapidaire de Varèse doit en fait à Debussy. Les textures atteignent un degré de transparence qui rend les crescendo coupant comme du verre. Cette fabuleuse symphonie de couleurs est portée par la direction fluide de Morlot qui adopte les mêmes tempos qu’Izquierdo, mais modèle différemment les temps et les tensions à l’intérieur du discours. Là où le chilien laisse éclater une suractivité volcanique, Morlot raffine un immense mirage sonore où se glisse parfois une nuance d’ironie un rien étrange. Il regarde la beauté si complexe de l’œuvre plutôt qu’il ne la fait rugir, la laisse émaner. Troublant.

Couplage étrange même s’il est aisé de l’argumenter : c’est la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák, très lyrique, très chantée, qui précède Amériques : de 1892 à 1922, ce ne sont pas trente ans qui séparent les deux œuvres, mais bel et bien deux mondes. En y songeant, j’ai le vertige…

LE DISQUE DU JOUR

cover varese xenakis modeEdgar Varèse (1883-1965)
Amériques
Iannis Xenakis (1922-2001)
La Déesse Athéna
Persephassa
Dämmerschein

Carnegie Mellon Philharmonic
Juan Pablo Izquierdo, direction

Un album du label Mode 58
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cover dvorak varese morlot
Edgar Varèse
Amériques
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95 « Du nouveau Monde »

Seattle Symphony Orchestra
Ludovic Morlot, direction

Un album du label Seattle Symphony SSM1006
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Photo à la une : © DR