Jeune Brahms

Parvenu à la coda de son cycle Brahms avec l’Orchestre du Gewandhaus, Riccardo Chailly revient au début de l’histoire : Brahms a vingt quatre ans lorsqu’il commence à écrire la Première Sérénade en ré majeur. La plus étendue de ses compositions orchestrales – écrite pour une vaste formation – en rien une œuvre d’étude, plutôt une prospective sonore. Car dès les premières mesures, tout Brahms est déjà là : son orchestre bien sûr, gorgé de couleurs, mais aussi sa complexité d’écriture.

Polyphonies mouvantes, rythmes changeants, épices harmoniques surprenantes, accents décalés, toute une grammaire de la surprise, et par-dessus autant d’innovations une couleur claire, une écriture solaire ! Brahms s’était immergé dans les symphonies de Haydn, y prenant quelques recettes ; cela s’entend dans l’alacrité du quatuor, dans l’invention de l’écriture pour les bois, dans cette fougue des rythmes.

Et c’est bien dans cette perspective suractive que Chailly la replace, la débarrassant de la nostalgie rétrospective dans laquelle même Claudio Abbado – amoureux inconditionnel de l’œuvre – avait tendance à l’envisager. Merveille, et peut-être bien la vraie réussite de son cycle Brahms. L’agilité du Gewandhaus, la souplesse de sa lecture rythmique et surtout la lumière inhérente à cette formation sont au diapason du considérable rajeunissement opéré par le chef milanais.

Dans les alliages plus complexes de l’Opus 16 – vents, bois, cordes sans les violons – Chailly est léger, comme soudain transporté chez Mozart, et le Gewandhaus non plus un orchestre, mais un orgue de parfumeur. Admirable doublé, qui règle la question de la discographie. Pour ces deux opus, vous pourrez désormais vous priver d’aller entendre ailleurs.

LE DISQUE DU JOUR

cover chailly brahms deccaJohannes Brahms (1833-1897)
Sérénade pour orchestre No. 1 en ré majeur, Op. 11
Sérénade pour orchestre No. 2 en la majeur, Op. 16

Gewandhausorchester Leipzig (Orchestre du Gewandhaus de Leipzig)
Riccardo Chailly, direction

Un album du label Decca 4786775

Photo à la une : (c) Gert Mothes