La Blonde Poldi

Je savais peu de choses de Poldi Mildner, mais la désinvolture de son jeu et le pianisme fulgurant qu’elle mettait à la Burleske de Strauss pour Arthur Rother m’avait donné envie d’en savoir plus sur cette pianiste que Rachmaninov avait adoubée après l’avoir entendue à New York jouer son Deuxième Concerto au début des années trente.

Je retrouvais dans la discothèque de ma grand-mère un 78 tours Grammophone avec une transcription virtuose du Beau Danuble bleu – la blonde Poldi était autrichienne, née dans les faubourgs de Vienne le 27 juillet 1913, élève des époux Rosenthal – qui confirmait mon sentiment. Cette fille avait une technique singulière et un tempérament de feu.

Les documents regroupés ici sont aussi passionnants que déconcertants. La Fantaisie-Wanderer expose son jeu nerveux, son sens des contrastes dramatiques, et cet art de faire sonner un instrument pourtant bien ingrat. Les traits sont fulgurants, les contre-chants mis en valeur, elle voit l’œuvre d’une façon singulière, avec un art de faire parler les récitatifs qui semble venir d’un autre âge pianistique. Sa Deuxième Sonate de Chopin procède du même ton, et en agacera plus d’un. Mais j’aime ses audaces et aussi ses manquements – la technique fut transcendante ; en 1950, elle le reste souvent mais pas toujours, comme le montre une Sonate de Liszt brouillonne, inaboutie, mais exaltante aussi : 24 minutes !

Le plus beau reste à venir : les Estampes de Debussy, où tout son art se révèle. La couleur comme maître mot, un toucher félin, de l’imagination à revendre, et une attention relative au texte. C’est le bémol, mais ce qu’elle ose en artiste lorsque dans Jardins sous la pluie apparaît la citation de « Nous n’irons plus au bois », cette irisation tremblante à la main droite, est simplement irréelle de poésie.

LE DISQUE DU JOUR

MC.1022.Poldi.Mildner.DigipakFranz Schubert (1797-1828)
Fantaisie pour piano en ut majeur, Op. 15 D. 760 « Wanderer-Fantaisie »
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 2 en si bémol mineur, Op. 35 “Funèbre”
Franz Liszt (1811-1886)
Sonate pour piano en si mineur, S. 178
Claude Debussy (1862-1918)
Estampes

Poldi Mildner, piano

Un album du label Meloclassic MC1022

Photo à la une : (c) DR