La Sonate de Respighi (Chung, Zimerman)

Parfois, certaines parutions nous conduisent à découvrir de superbes oeuvres, méconnues et rares. Telle est la Sonate pour violon et piano d’Ottorino Respighi, composée en 1917. Je découvre aujourd’hui cette partition maîtresse du corpus de chambre du compositeur italien dans une interprétation récente de Tasmin Little et Piers Lane (Chandos, 2012), avant de me rappeler que Krystian Zimerman et Kyung Wha Chung en avaient réalisé un enregistrement à la fin des années 1980 pour Deutsche Grammophon, incroyablement abouti. Violon bien plus somptueux, rond et chaleureux (et d’une justesse assez irréprochable) de la violoniste coréenne, et piano bien plus varié, subtil et puissant du pianiste polonais.

L’entrée de la voix du piano, chez Krystian Zimerman, nous plonge immédiatement dans un monde harmonique étrange, un rien lunaire – il porte une attention méticuleuse à l’étagement harmonique (Moderato). Un peu plus loin, la main droite ose des élans à la Schumann (Più vivo – Agitato come prima), qui offrent un contraste bienvenu au lyrisme imperturbable du violon et aux phrasés amples et généreux de Kyung Wha Chung. La suite de ce Moderato initial ne se compose que d’alternances entre moments calmes et passages plus tempétueux, que maîtrisent à la perfection les deux musiciens de la version Deutsche Grammophon.

A l’écoute du merveilleux second mouvement (Andante espressivo), Kyung Wha Chung et Krystian Zimerman affirment une vision fortement baignée d’influences françaises, comme une synthèse étonnante et inattendue entre César Franck – dont Zimerman a laissé un enregistrement magique de la Sonate avec Kaja Danczowska chez Deutsche Grammophon, ici disponible sur Qobuz – et Debussy. Moment de lyrisme éperdu que ce mouvement, qui ne renonce pas pour autant à des accents teintées d’inquiétude voire d’anxiété.

Cette Sonate de Respighi, qui montre le compositeur au sommet de sa puissance créatrice – en 1917, il était alors professeur de composition à l’Accademia di Santa Cecilia, et venait de composer les célèbres Fontane di Roma – se termine sur le mouvement certainement le plus originel, une Passacaglia : sur une basse obstinée de dix mesures au rythme très marqué, Respighi élabore vingt variations, aux expressions très variées, dans un esprit général de dramatisme extrême. Ce mouvement ultime rappelle ô combien Respighi fut influencé par les formes de la période baroque. Là encore, Zimerman et Chung restent au diapason de l’expressivité dionysiaque et plutôt ensoleillée de l’œuvre – finale explosif !

LA RECOMMANDATION DISCOGRAPHIQUE

visuel Zimerman Respighi Chung DGGRichard Strauss
Sonate pour violon et piano en mi bémol majeur, Op. 18
Ottorino Respighi
Sonate pour violon et piano en si mineur

 

 

 

Kyung Wha Chung, violon
Krystian Zimerman, piano

Enregistrement réalisé en Juillet 1988, à Biele, Rudolf-Oetker-Halle, Grosser Saal
Un enregistrement Deutsche Grammophon, paru en 1989

Photo : (c) DR