Archives par mot-clé : Béla Bartók

La secrète jeunesse de Witold

Évidemment, le Concerto pour orchestre avouait déjà le fort tropisme bartokien du jeune Lutoslawski. Les œuvres pour piano rassemblées ici par le piano clair et éloquent de Corinna Simon confirment cette filiation revendiquée : les Chants de bergers de 1952, les Mélodies folkloriques de 1945, les deux Études de 1941 pourraient être du Bartók, absolument, il y a juste une consonance plus classique, quelque chose de plus droit, de plus nu que les Pièces pour les enfants de 1953 ne renient en rien.

Donc, le piano de Lutoslawski, objet de sa jeunesse, sera resté sourd aux prospectives ouvertes dans les œuvres d’orchestre, il reste si faussement naïf, comme un refuge, une sorte d’éden dont Corinna Simon brosse les paysages avec un naturel et un plaisir sans nuages.

Mais à la fin de son disque, elle révèle une merveille, la grande Sonate de 1934, partition d’un lyrisme étreignant, où un poète des timbres paraît, qui invente un vaste rêve de clavier entre l’onirisme debussyste et les traits obsessionnels de la Sonate de Berg ou de celles de Szymanowski.

La qualité intrinsèque de cette musique m’a cueilli, la beauté de son écriture, les plans successifs de ses horizons sonores rendent incroyables sa rareté au disque, son absence au concert. Corinna Simon a eu mille fois raison de la révéler en lui prêtant son toucher inventif et ses conceptions éclairantes. Espérons qu’elle fera école !

LE DISQUE DU JOUR

cover luto corinna simonWitold Lutoslawski (1913-1994)
L’Œuvre intégrale pour piano
Shepherds Songs
2 Études pour piano
12 Mélodies populaires
3 Pièces pour la jeunesse
Invention
Sonate pour piano

Corinna Simon, piano

Un album du label AVI-Music 8553341
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Photo à la une : © Opakakoloela

Le chant des prés

Leoš Janáček n’est pas si éloigné que cela de Béla Bartók – la musique populaire s’est infusée dans son propre vocabulaire, mieux, les mots ont composé le flux de sa musique, évidemment dans ses opéras, mais aussi dans ses œuvres instrumentales. Les cahiers de « poésies » populaires ― sciemment, il ne les nomme pas « mélodies » ― occupent dans son œuvre une place marginale et pourtant déterminante.

Il a noté très humblement dans deux albums ― « Poésies populaires dans les chants d’Ukvalska » et « Poésies populaires moraves en chansons » ― tout un répertoire de village, refrains et contes, les harmonisant à peine et leur laissant leur caractère dialogué. J’attendais beaucoup de Martina Janková, si versé dans l’interprétation flamboyante des mélodies rurales. Elle respecte à la lettre l’esprit de simplicité des transcriptions, refuse de les sur-jouer, c’est au fond assez bien vu.

Du coup les deux recueils s’égrènent sans drame, on y reconnait quelques thèmes qui serviront à Janáček pour le catalogue de motifs dont son œuvre sera parcourue. Tomáš Král lui donne la réplique, laissant son baryton-basse au vestiaire : il chante le plus souvent dans le haut de sa voix, mots clairs, sentiments éloquents. Je referme l’album, certain que j’y reviendrai.

LE DISQUE DU JOUR

cover janacek jankova
Leoš Janáček (1854-1928)
Poésies populaires d’Hukvaldy en chansons
Poésies populaires moraves en chansons

Martina Janková, soprano
Tomáš Král, baryton-basse
Ivo Kahánek, piano

Un album du label Supraphon SU4183-2
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Photo à la une : La soprano Martina Janková – Photo : © DR

De l’art de bien rééditer, Vol. 23 : Portrait d’un jeune homme en Beethovénien

Un soir au Théâtre des Champs-Elysées, je n’ai plus l’année en tête, mais il venait de boucler son intégrale des Sonates de Beethoven pour EMI, Stephen Bishop Kovacevich comme on l’appelait encore alors entonnait la Waldstein. Continuer la lecture de De l’art de bien rééditer, Vol. 23 : Portrait d’un jeune homme en Beethovénien

Enchiridion

Bernd Alois Zimmermann, au tournant des années quarante-cinquante, était loin encore de son chef-d’œuvre Die Soldaten. Entre 1949 et 1952, il écrivit pourtant deux cahiers de brefs morceaux pour piano, Enchiridion, alternant des études de timbres déduites de la Seconde Ecole de Vienne et des pièces de caractères coulées dans la lignée de celles de Bartók. Continuer la lecture de Enchiridion