Jardin secret

Asraël, Maturation, Conte de printemps, tout le génie de Josef Suk s’est employé à son sombre orchestre. Mais il composa aussi pour la chambre et même pour le piano : des cahiers modestes aux charmes étranges, dont le romantisme secret, les ramages élégants (écoutez le mirifique Printemps), n’ont pas le caractère secret, la poésie désarmante des opus de Janáček.

Mais tout de même, ce piano de plein air a de sacrés attraits, surtout si subtilement défendu par Jonathan Plowright qui en comprend le tactus complexe, les rythmes fuyants, le langage des trilles qui transforme le clavier en rossignol. Au point que revenant sans cesse à cet album, je ne m’explique pas que ces opus ne soient pas plus courus au concert, en Tchéquie comme ailleurs.

Pavel Štěpán, surtout Radoslav Kvapil pour Unicorn, en avaient jadis signé de belles anthologies, mais il y a chez Jonathan Plowright une imagination supplémentaire dans les timbres, l’allant des mélodies, la finesse des traits et des contrechants, qui nous plongent dans l’intimité de cet univers souvent délicieux.

Mais d’où vient donc ce piano si singulier ? De celui de Zdeněk Fibich probablement, qui lui aussi collectionna de petits cahiers assemblés en vastes cycles, ces Humeurs (Moods) auquel Suk sacrifie aussi dans son Opus 10, où le sens du caprice s’équilibre avec un certain goût du mystère : la Légende est une merveille que tous les pianistes devraient jouer en bis.

Et si Jonathan Plowright poursuivait avec un second volume ? La Suite Op. 21, et surtout le grand cahier où Suk dressa le portrait musical de sa mère, l’espèrent bien.

LE DISQUE DU JOUR

Josef Suk (1874-1935)
Printemps, Op. 22a
Impressions d’été, Op. 22b
Pièces pour piano, Op. 7
Humeurs, Op. 10

Jonathan Plowright, piano

Un album du label Hypérion CDA68198
Acheter l’album sur le site du label Hypérion, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : © DR