Zubin Mehta : souvenirs brucknériens

Au Théâtre des Champs-Elysées, une soirée d’hiver. De nouveau un immense orchestre, un chef emblématique : les Wiener Philharmoniker sous la direction de Zubin Mehta, dans la Symphonie No. 9 de Bruckner, précédé de la Symphonie No. 104 « Londres » de Haydn. La dernière fois que j’avais entendu le Philharmonique de Vienne, Thielemann dirigeait la Huitième du Maître de Saint-Florian. L’insupportable chef allemand avait voulu transformer cette partition humaine et chaleureuse en une dissertation philosophique sur la matière, et un essai sur la profondeur du son. Soit vingt minutes de rallonge pour une œuvre déjà peu courte.

Avec Mehta, on retrouve une certaine idée de la musique, du naturel, des sonorités illuminées de l’intérieur. Mais aussi une certaine forme de routine à laquelle peut également se confronter un orchestre même prestigieux. Malgré sa puissance, son énergie, la direction de Mehta, dans le premier mouvement, s’inscrivait assez peu selon moi dans un processus de croissance continue. Cette musique qui procède par étapes successives, comme en escalier, est-elle parvenue à son sommet ? La coda finale parait surgir de nulle part avec Mehta, alors qu’elle pourrait être un aboutissement. Les transitions semblent toujours brusques, les variations de lumière trop timides.

Le Scherzo suivant montrait une rythmique un peu lourde, sans jamais ce flux irrésistible auquel nous ont habitué les grands d’autrefois, tels Wilhelm Furtwängler dans son célèbre live publié chez Deutsche Grammophon. Sans cette véritable tension intérieure, la musique tend à se déconstruire d’elle-même. Le troisième mouvement, devenu Finale, contenait en lui de beaux moments, d’une réelle intensité, mais les phrasés, peut-être pas assez divers, ne m’ont pas conduit dans le sentiment de rêve éveillé que la page peut diffuser. Connaissez-vous la version de Jany Renz avec l’Orchestre Philharmonique de Budapest chez Ondine en 1991 ? Une curiosité certes, mais pour moi, en un certains sens, un orchestre brucknérien par excellence, comme la Staatskapelle de Dresde ou le Concertgebouw. Il a en lui ces clairs-obscurs, ces couleurs d’automne, que j’entends – il n’y a rien à y faire – chez Bruckner.

Cette soirée avec Mehta avait débuté par la Londres, idéale pour se faire une idée du « Papa Haydn ». Bel orchestre, luxe à volonté, mais peu de voluptés. Un charme désuet en somme.

LE PROGRAMME DU CONCERT
Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie No. 104 en ré majeur, Hob.I:104 « Londres »
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 9 en ré mineur

Wiener Philharmoniker
Zubin Mehta, direction

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Jeudi 20 février 2009, 20h

Photo : © DR