Fête des morts

Pierre Boulez avait inventé avec le Chicago Symphony Orchestra ce couplage, mariant Zarathustra et Totenfeier, Strauss et Mahler, hérésie pour certains, coup de génie pour d’autres. Voici que Vladimir Jurowski reprend le flambeau.

Son Zarathustra méditatif, en son creusé, sans grandiloquence, en étonnera plus d’un par l’ampleur des lignes, la transparence de son orchestre même dans le sombre, et ses ivresses diaprées lors du Tanzlied, véritable climax où tout éclate dans une ardente illumination. Je ne l’avais pas entendu aussi parfaitement réalisé depuis la version justement légendaire de Karl Böhm et des Berliner Philharmoniker, c’est dire !

Pourtant c’est Totenfeier qui fait d’abord ce disque essentiel, Jurowski y revient d’ailleurs, il l’avait déjà enregistré en une version pour ainsi dire d’essai avec l’Orchestre du Siècle des Lumières (Signum), mais réalise ici à plein sa lecture mordante, acide, impérieuse, qui fouille toutes les strates de l’orchestre mahlérien, en expose les audaces et les raucités. Fabuleuse interprétation qui serait peut-être le prélude d’un voyage plus complet de Jurowski dans les symphonies de l’auteur du Chant de la Terre ? Le temps semble venu, et avec l’Orchestre de la Radio de Berlin, dans des prises de son aussi somptueuses que celle qui dore ce disque, ce serait la fête.

En coda, Jurowski et ses musiciens ajoutent le rare Sinfonisches Präludium écrit par Mahler en 1876 (à seize ans donc), œuvre adolescente où toute la syntaxe de Bruckner cherche de nouveaux horizons. Passionnant à l’image de ce disque exceptionnel, avec pourtant un bémol : une seule plage pour Zarathustra, c’est trop peu.

LE DISQUE DU JOUR

Richard Strauss (1864-1949)
Also sprach Zarathustra,
Op. 30, TrV 176

Gustav Mahler (1860-1911)
Totenfeier
Sinfonisches Präludium
(reconstruction par A. Gürsching)

Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Vladimir Jurowski, direction

Un album du label Pentatone PTC 5186597
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Photo à la une : © Drew Kelley