À la recherche de Wagner

Premier disque d’Andris Nelsons avec Leipzig, qui serait le début d’une intégrale Bruckner. Mais commencer ici par la Troisième Symphonie et la faire suivre par l’Ouverture de Tannhäuser, c’est explicitement penser d’abord à Wagner.

La sonorité très assombrie des Leipzigois – j’ai le sentiment de réentendre l’orchestre comme le faisait sonner Václav Neumann, avant que Kurt Masur ne le force à s’éclairer – assène un Bruckner massif, comme prisonnier de la direction en abîme que lui impose Nelsons : littéralement, il leur brise les ailes tout au long d’un premier mouvement, effrayant par sa perte absolue de direction.

Rien ne s’y élève, tout y tombe sans cesse, musique terrible au sens propre, qui atteindrait à une vraie dimension si Nelsons renonçait à quelques maniérismes qu’il applique d’ailleurs partout, comme ces pianos subito sans aucune tension. Le Scherzo et le Finale seront tout aussi déroutants d’agogique, fermés de son et de ton, seul l’Adagio, lorsque les violons disent leur supplique, ouvre enfin cette chape de plomb, on voit le ciel, cela chante quasi « heilig », l’orchestre tend des soieries et des velours, s’enivrant de ses propres sonorités et s’accordant à la battue narcissique du jeune homme.

Et l’Ouverture de Tannhäuser ? Fermée à double tour elle aussi, sans l’éclat de la légende, sans la sensualité de la passion, sans l’exaltation du péché ou de la rédemption, admirablement menée par un orchestre beau comme un sérail, vers cet ennui dont je n’aurais pas cru Andris Nelsons capable.

Disque étrange, qui n’en finit pas de me déconcerter, et qu’un vrai travail en studio – évidemment tout ceci est enregistré en concert – aurait peut-être dénoué, éclairé, rendu respirable.

LE DISQUE DU JOUR

Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 3 en ré mineur, WAB 103
Richard Wagner (1813-1883)
Tannhäuser, WWV 70 –
Ouverture

Gewandhausorchester Leipzig
Andris Nelsons, direction

Un album du label Deutsche Grammophon DG4797208
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Photo à la une : © DR