Miroir graphique

C’est très inhabituel de mettre tant de danses – et vraiment de sardanes – dans les stylisations chorégraphiques des Canciones y Danzas de Federico Mompou, et plus encore d’en jouer les Canciones avec ce ton de choral de Bach, cet appui des accords dans un piano plein. Le Mompou elliptique, objet de légende chez tant de pianistes, disparaît pour faire entendre cette langue franche dans son jeu modal autant que celle de Satie, mais beaucoup moins « blanche ».

Gabriel Urgell Reyes y contraste au centre de son disque les Preludios americanos que Ginastera composa en 1944. Portraits saillants de ses contemporains qu’il voit acteurs du même courant de cette Amérique magique, Villa-Lobos, Copland, qui mettent des indiens ou des cowboys dans leurs pianos.

Mais ces musiques brèves, qui trépignent puis rêvent soudain, sont bien plus que des portraits, c’est l’affirmation d’un nouveau mode pianistique, hérité de Bartók qui disparaît l’année suivante et qui entend les marteaux d’un piano percussion. Écoutez seulement la couronne flamboyante de Para las octavas, où l’Étude de Debussy est résumée harmoniquement en vingt-neuf secondes.

À mesure, Gabriel Urgell Reyes paysage son cycle Ginastera, le pimentant autant que le rêvant. Il y ajoute en postlude deux respirations de songe coulées de sa main, musique errante qui laisse le disque en quelque sorte infini.

J’attends la suite du voyage.

LE DISQUE DU JOUR


Alberto Ginastera (1916-1983)
Doce americanos Preludios, Op. 12
Federico Mompou (1893-1987)
Chansons et danses
Nos. 1 à 12

Gabriel Urgell Reyes
(né en 1976)
Piezas familiares (extraits : II. Aqui contigo, III. Más de ti)

Gabriel Urgell Reyes, piano

Un album du label Artalinna ATL-1012
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Photo à la une : © Jean-Baptiste Millot