Retour à Schumann

Les Variations Abegg déroulent leurs rubans, jouées en lumière, effusives, légères, timbrées pourtant, dans mes dix-sept ans, j’écoutais sans cesse cette nouvelle version signée Jean-Philippe Collard qui me ravissait autant que le 78 tours de la jeune Clara Haskil. Si j’aimais tant ses Barcarolles de Fauré ou ses Etudes-Tableaux de Rachmaninov, ses Schumann me comblaient, les paysages mordorés de ses Études symphoniques, l’éloquence maîtrisée de sa Troisième Sonate.

Le voir revenir à Schumann au disque quarante ans plus tard, quelle promesse de plaisir, et dans deux opus qu’il n’avait pas gravés ! Sa Fantaisie, sans grandiloquence, jouée dans la profondeur d’un clavier pourtant mobile à l’extrême et qui se débrouille avec tant de musicalité des polyphonies schumanniennes, est un modèle pour le style mais aussi pour l’émotion, évidemment étreignant à force de pudeur : écoutez seulement la troisième partie.

Plus étonnantes encore, ses Kreisleriana débarrassées de toute bizarrerie, jouées classique, composant un récit mené de main de maître où tout s’ordonne et dont les épisodes caractéristiques se composent en une guirlande d’impressions ou d’éclats sans que jamais rien n’y soit sollicité. L’anti-Horowitz, soudain ce ne sont plus les silhouettes d’Hoffmann qui paraissent, mais Schumann lui-même composant son univers.

C’est du grand art, et du très grand piano, joué avec une distinction de goût, d’entendement, qui me laisse espérer que La Dolce Volta lui permettra de poursuivre chez Schumann dont il sait décidément tout, et d’abord la pudeur qu’il faut rendre à sa musique.

LE DISQUE DU JOUR

cover schumann collard ldvRobert Schumann (1810-1856)
Fantaisie en ut majeur, Op. 17
Kreisleriana, Op. 16

Jean-Philippe Collard, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV 30
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Photo à la une : © Bernard Martinez