L’autre Rota

Voici près d’un quart de siècle, je découvrais grâce à un disque du label suisse Claves ce Mysterium fuligineux, véritable musique pour une cathédrale byzantine, composé en 1962 par Nino Rota qui retrouvait entre deux musiques de films son œuvre « savante » (Rota ne fut pas seulement le « musicien de Fellini », ses opus pour le cinématographe constituaient depuis 1933 l’autre fil rouge de son catalogue, en 1960 il avait écrit de magnifiques pages pour Rocco et ses frères de Luchino Visconti).

Impossible d’ailleurs chez Rota d’opposer son œuvre pour le cinéma et celle pour le concert, elles s’interpénètrent et documentent à égalité l’incroyable versatilité stylistique d’un univers divers mais qu’on reconnaît immédiatement.

Pourtant, la vaste partition du Mysterium catholicum se place à part par son ampleur, ses sombres splendeurs, son ton dramatique, sa puissance suggestive. Le compositeur assembla avec Vincenzo Verginelli un ensemble de textes tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament, des Psaumes, de l’Apocalypse, les habillant d’un orchestre impressionnant de profondeur, des abysses de sons qui fascinent, où les chœurs mettent leurs ors étranges, où un quatuor orant célèbre une liturgie qui semble venue du fond des âges de la chrétienté.

Un chef-d’œuvre de la littérature musicale sacrée du XXe siècle, rien moins, auquel Giuseppe Grazioli, engagé dans la gravure d’une intégrale de l’œuvre de Nino Rota pour Decca Italie, rend justice par sa lecture tendue, puissante, captée dans l’urgence du concert.

Il lui ajoute quelque brèves pages liturgiques, et révèlent une autre partition d’ampleur toute aussi inspirée, Il Natale degli innocenti, oratorio où les chœurs d’enfants aux accents populaires et un piano jouant comme d’un éternel jeu de cloches composent de saisissants paysages sonores qui ne sont pas sans rappeler ceux dressés par Benjamin Britten pour ses chères têtes blondes.

Ce quatrième volume d’une entreprise exemplaire sera pour beaucoup une révélation. Espérons que demain Giuseppe Grazioli et sa vaillante troupe milanaise graveront les deux autres opus inspirés ensuite par Vincenzo Verginelli, La Vita di Maria et Roma Capomunni.

LE DISQUE DU JOUR

cover-rota-sacred-works-grazioli-deccaNino Rota (1911-1979)
Mysterium
Il Natale degli innocenti
Salmo VI
Salmo 99
Tota pulchra es
Il Presepio

Silvia Colombini, soprano
Elena Xanthoudakis, soprano
Giuseppina Bridelli, mezzo-soprano
Alessandro Liberatore, ténor
Davide Fiusti, ténor
Gianluca Buratto, basse
Eugenio Maria Fagiani, orgue

Coro di voci bianche de La Verdi
Quartetto d’Archi de La Verdi
Coro e Orchestra Sinfonica di Milano Giuseppe Verdi
Giuseppe Grazioli, direction

Un album de 2 CD du label Decca 481 4799
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Photo à la une : © DR